mardi 6 avril 2010

Annie-Pierre et Marie-Fred


Été 1994.

Annie-Pierre, Marie-Frédérique, Jeremiah Johnson (JJ) et moi.

On travaille tous pour financer nos études universitaires.

Études en cinéma bien entendu puisqu'il n'y a que ça. Nous sommes tous les quatre employés du défunt cinéma du Complexe Desjardins. Un ancien cinéma porno. Schindler's List sévit dans la grande salle numéro 2, In The Name of The Father dans la salle numéro 3 au fond à droite, Immortal Beloved, Love Affair, Montparnasse-Pondichéry ou Pricilla, Queen of the Desert dans la 1. Once Were Warriors ou Grosse Fatigue dans la minuscule salle 4.

JJ et moi sommes usher. On déchire des billets, on torche les bécosses (toujours plus sales du côté des filles), on pogne Macha Grenon à fumer du pot avec son chum dans la toilette des gars, on fait de la caisse de temps à autre. Annie-Pierre et Marie-Fred font de la caisse. Les plus jolies, le gérant les as placé là où ça rapporte. Trop rebelle, on m'a renvoyé chez moi quand j'ai refusé de porter un tablier rose pour une promotion mochetonne quelconque.

Déjà je refusais de faire la pute.

On donnait des mini-barres de chocolat ou du shampoing à la sortie des salles aux pauvres gens. On se faisait chier là-dessus. On fumait nos cigarettes dans le minuscule local des employés. Zéro respect pour les non-fumeurs pourtant plus nombreux. On se faisait pas chier là-dessus. Pas de classe. Les syndicats essayaient de nous faire croire qu'ils travaillaient pour nous. Le pied de Prévost était apparu au travers du plafond de la salle 2 pendant qu'il niaisant au grenier. Une cliente en avait eu des morceaux de plafond dans son pop corn (aka puff kong).

On avait tout bien capoté sur Merci la Vie et surtout Les Ailes du Désir (J'ai traîné Nick Cave pour le reste de ma vie)

Annie-Pierre avait des cours en commun avec moi. Peut-être un intérêt amoureux aussi. J'étais non seulement déjà en couple mais pas du tout intéressé de pousser nos rapports jusqu'à l'oreiller. Marie-Fred avait des rapports plus intimes encore avec JJ. Elle était toute neuve dans la ville. Encore fragile, elle était de toutes les expériences. 100% nouvelles pour elle pour la plupart. Les deux filles avaient fait comme font souvent les femmes à un certain âge, elles avaient toutes deux choisi de se faire couper leur longue chevelure.
Annie-Pierre la brune, plus radicale que Marie-Fred la blonde. Annie-P était plutôt maigre, sa coupe en brosse la rendait androgyne. Jane Birkin dans Je t'aime Moi Non Plus. Marie-Fred, plus jolie d'emblée, portait sa nouvelle coupe plutôt bien. Tout lui allait bien à Marie-Fred. Même ses yeux bleus fragiles qui masquaient mal la mince ligne sur laquelle elle faisait du funambulisme.

Un soir du mois d'août 1994 tous les 4 nous nous dirigions rue Ste-Catherine vers un film du Festival des Films du Monde. Au Parisien ou à la Place-Des-Arts. Nous étions entre les deux. Il faisait très chaud. Voilà pourquoi Annie-P et Marie-F avaient toutes deux choisis de porter de légères robes d'été. Elles étaient jolies en tout temps mais j'imagine qu'elles l'étaient plus encore avec leur robes d'été pour l'oeil inconnu.

Sur la rue on a croisé Goyette et Michaud, des amis de toujours. Chauds comme des spots dans nos culottes comme d'habitude. On s'est arrêté et on a jasé un peu JJ, Goyette, Michaud et moi. On leur a présenté les filles mais bien vite elles ont comprise que l'on devait se tenir loin de ces deux grossiers personnages. Elle se sont tassé et nous ont attendu près d'un commerce sur le trottoir à quelques pas de distance.

Nous jasions comme 4 panelistes sportifs quand j'ai remarqué un jeune homme mi-asiatique, mi-africain qui passait derrière nous. Un très beau jeune homme en fait. Comme je ne suis pas aux hommes je ne l'ai remarqué que rapidement sans plus en me disant que les deux filles ne manqueraient pas de le remarquer non plus. Nous continuions à jaser de la fin du monde quand ce jeune homme est repassé dans l'autre direction. Il avait l'air tracassé par quelque chose. Puis il est passé une troisième fois. Juste au moment où Goyette allait nous exposer sa superthéorie du supernimportequoi. Cette fois il a accéléré le pas et me donnait l'impression qu'il se sauvait.

Les deux filles avaient le visage pourpre.

"Que se passe-t-il?" avais-je demandé

"Il vient de nous demander si nous travaillions!"

"je...je ne comprend pas..."

"Ils nous a pris pour deux putes!!!"

On a tous bien rigolé, les filles de manière un peu plus jaune.

C'est à ça que je pensais hier en voyant Eldridge "Tiger" Woods parler de "guérir" de son "problème".

Il avait 19 ans à l'époque.
Din coup que c'était lui...

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