mardi 21 décembre 2010

2043

On les avait appelé les rotules, car il fallait de bons genoux pour faire leur boulot.

Rinne les surveillait de la fenêtre de son salon, son fils de 6 ans à ses côtés.

"Que font-ils sur la rue papa dans la pluie mouillée?"
"Tu es couché à cette heure-là normalement fiston, ce sont les rotules, ils attendent avant d'arriver chez nous..."

Sur ce, les deux entités qui attendaient dehors ont levé la tête en direction de la porte domiciliée de chez Rinne et enjambant le terrain en en arrachant plusieurs morceaux de gazon ils vinrent frapper à la porte.

Les télévisions avaient été remplacées par des Tortorella. Ce devait être autour de 2021, quand la génération Twitlibre avait détourné les pensions de retraite de leurs ainés et fait tomber le gouvernement de l'époque en prenant le contrôle de la province.
Tous ceux qui voulaient se divertir en regardant leur écran devait depuis se soumettre à la loi de la pub. Les parents de Rinne avait dû signer le régistre du loisir, un manifeste qui obligeait la maisonnée à se munir d'une Tortorella, un écran très semblable aux télévisions d'antan mais qui avait une puce dans laquelle, les publicitaires pouvaient savoir qui zappait pendant les publicités ou PIRE qui coupait le son des dites pubs. Chaque maison ciblée se voyait se faire envoyer une escouade appelée officiellement "les émissaires de propositions" mais qui était au fond deux vendeurs de pacotille qui venaient vous faire la promotion de la camelote publicitaire évitée à même votre salon.

Rinne était un habitué de leurs visites mais cette fois, la fatigue ou il ne savait trop quoi, mais il avait oublié de coucher son fils avant de synthoniser la Torterella et celui-ci allait assister à la visite des deux zoufs pour la première fois.

"M'sieu Rinne! Bien le bonsoir!" dit le premier.

"Bien le bonsoir, M'sieur Rinne!" dit le second sur le même rythme.

Rinne ne pris pas la peine de répondre, si habitué de voir leurs deux faces d'abrutis en soirée.

"Toujours à fermer la télé le temps des publicités tut tut tut tut" fit le premier le grondant gentiment
"Vous devez vraiment aimer nos visites pour agir ainsi" dit l'autre sortant une chaudière de son grand sac de toile.

"Vous m'écoeurez avec quoi ce soir?" finit par échapper Rinne.

"Oooooooooh! mais c'est un joli petit garçon çaaaaaaa!" fit le premier d'un grand sourire dément en aperçevant le fils de Rinne. "Comment va ta classe de carte de crédit?" poursuivi-t-il?

"Bien" dit le fils de Rinne, un peu ahuri de voir les deux grands monsieurs envahir son hall d'entrée.

"On a hâte de t'avoir dans nos filets" dit l'autre en se dirigeant pour barrer la Torterella.

"C'est quoi c'te merde là?" demanda Rinne en regardant la chaudière d'un des deux ploucs.

"Ah non! c'est justement le contraire! c'est pour justement absorber la merde de votre lézard d'Anatolie, c'est de la pellicule de TVA en gellule, l'ancienne litière!" dit le vendeur de cochonneries.

"Vous savez bien que je ne vous achèterai rien, à quoi bon insister..." dit Rinne dans un soupir découragé.

"Nous n'insistons pas nous ne faisons que notre boulot" dit l'un
"Un travail de propositionneur" dit l'autre cherchant la femme de Rinne derrière lui des fois qu'elle soit en tenue de nuit comme c'était arrivé une fois. Cette fois là les deux vendeurs avaient pris l'initiative de suggérer une jaquette pour dame lors de leur visite suivante.

"Je ne vous ai JAMAIS acheté quoi que ce soit, comment trouvez vous la motivation de venir chez moi tous les soirs depuis 9 ans?" dit Rinne réalisant le poids des années qu'il venait d'énoncer.

"Nous ne faisons que notre travail, n'appréciez-vous pas  ce passage du temps qui nous as tant rapproché, on vous a connus plus jeune, le cheveux longs, les cheveux courts, plus gras aussi, vous avez maigri non?" dit l'un.

"Oui... non... je sais pas...."

"Oh oui vous avez maigri! vous ne nous dites pas tout! vous vous entrainez en cachette?" dit l'autre.

"Non, surcharge de travail, mauvaise habitudes alimentaires, agressions à répétition, stress..."

"MERVEILLEUX! fit l'un en se lançant dans un laius vantant les vertus des gellules TVArk, votre lézard évitera les odeurs en tabarnak.

Rinne se donna une demie minute de réflexion à la fin de leur chanson. Le lourd sentiment d'oppression se mit à l'étouffer tranquillement. "monte te coucher" avait-il l'impression d'avoir dit à son fils, il n'en était plus certain, peu importe, son fils quittait la scène.

"A-t-il eu son Micheal Jackson de Noël?" pris le temps de demander l'un des deux merdeux.
"Le temps des fêtes n'est pas pareil sans le Dieu des enfants!" dit l'autre.

Rinne attendit que son fils soit hors de vue,  puis prit la chaudière en étudiant son contenu.

"C'est bien toxique tout ça non?" dit Rinne, d'un ton posé.

"Bien entendu, dit l'autre, pour les étiquettes ont raconte un peu n'importe quoi mais entre nous, ce produit mal utilisé, tue" poursuivit-il sur le ton de la confidence.

C'est à peu près ce que Rinne voulait entendre, il ouvrit la chaudière, pris la mâchoire inférieure de l'un, lui ouvrit grand la bouche et lui versa le contenu de la chaudière avec aplomb. Devant la rapidité d'éxécution et pris de stupeur, l'un tomba au sol ce qui facilita le travail de Rinne qui pu vider tout le contenu de gellules dans la gorge de son meilleur ennemi.
L'autre, qui était assis plus loin, dans le salon de Rinne, fût si saisi qu'il en resta paralysé. Il avait un balai à la main dont il n'avait pas encore eu le temps de vanter les qualités et s'apperçut à peine que Rinne venait de lui subtiliser le balai des mains tellement il était absorbé par le corps de son complice au sol la gueule débordant de gellules, le regard vide, probablement mort.
Rinne ne réfléchit pas autant qu'il réagit, il empala l'autre du manche à balai qu'il avait dans les mains et le souleva du sol par l'arrière-train. Le cri de l'autre devait être horrifiant mais Rinne ne l'entendit pas. Il n'entendait que le cri intérieur qu'il avait à la place du coeur et rien au monde n'était plus violent que cela.

Il balança les deux corps dans le drain de la rue. Deux corps à la gueule grande ouverte, prêts à avaler toutes les sottises du monde. Les deux étaient morts les yeux ouverts. L'un les poumons engellullés, l'autre empallé par le cul .

Rinne revint chez lui, essoufflé mais soulagé, presque heureux.

Il vit son fils dans l'entrée le regard inquiet.

"Papa?..."

"Fiston, nous devons fuir, j'ai deux cadavres d'émissaires dans le drain, on me recherchera dès demain...."

Commença pour Rinne une nouvelle vie, une vie de fugitif, en 2043.

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