lundi 20 décembre 2010

La Traversée dans le Désert du Dollar dans le (très) Noir des Salles de Cinéma.

Quand on m'a choisi dans une école spécialisée pour écrire pour la télé/le ciné on m'avait demandé en entrevue avant les études dans le domaine:

"Penses tu faire de l'argent?"

Et j'avais répondu le plus honnêtement du monde "Non, j'avoue ne pas y avoir pensé du tout".

Je suis encore comme ça. Je me soucie peu des chiffres et l'argent a toujours été un outil pour moi et non un objectif. Toutes les décisions que j'aies prises dans ma vie qui favorisaient le cash ont été des catastrophes. Et les décisions qui ont favorisé mes passions, un bonheur.

Dans le domaine des arts, l'argent est un saint-graal. Une chimère. On court après pratiquement tout le temps. Pour monter une expo, pour financer un projet de film, pour le rembourser, pour faire ses frais face à une maison d'édition, pour vivre de la danse, de l'opéra, du théâtre, de la vente de ses peintures, de ses disques.

Outre quelques rares privilégiés, les artistes vivent mal de leur art. Ils ne vivent pas gras. Ça ne pas date d'hier, Shakespeare courait les mécènes afin de pouvoir manger et vivre un brin dignement. Encore aujourd'hui un enfant dirait à ses parents "je me lance dans les arts" que les parents grinceraient assurément des dents. Moi le premier. La phrase suivante est généralement "Mais comment tu vas faire pour vivre?". Si elle n'est pas dite, elle est pensée. Je le sais je l'ai entendue chez moi sous différentes formes.

Je lisais hier une lettre désespérée d'une distributrice de films de Montréal. Ce cri du coeur m'a rappellé ma propre naiveté d'il y a 12 ans quand je graduais de l'école spécialisée en question. Gardant (inconsciemment)en tête mon total désintérêt pour une finance solide ou une quelconque assurance financière, c'est l'amoureuse qui me faisait réaliser que "hey, et Junior qui pousse dans mon ventre, il mangera comment?".

"Avec ses mains d'abord mais nous lui apprendront les ustensiles peu à peu" avais-je répondu. Mais elle n'avait pas aimé. Quand Monkee est apparu dans nos vies, j'ai réenligné le tir. J'ai fais de l'alimentaire, ce que je continue de faire, en prenant réèllement mon pied continuellement toujours ailleurs. Je sais que par tempéramment je ne serai intéressant/intéréssé que si le niveau d'arts est suffisament stimulant dans mon environnement de travail. Travailler chez Renaud-Bray ou Archambault Musique & Livres sera toujours pour moi HYPER agréable. Peu importe le blé généré. Je serai toujours en ces lieux Obélix baignant dans la potion magique.

Mais une chose doit être claire au Québec: On ne fait pas d'argent avec notre cinéma. Un film, peut-être deux par année mais sans plus. On en fait encore moins avec le cinéma des autres. La distribution.

Le cinéma en salle se meurt depuis qu'il est passé de 7 à 12$ (13,50$ maintenant semble-t-il?). Pour ma part, il était mort avant. À 7$ c'était déjà fini.

Payer 7$ pour voir 15 minutes de pub, subir des étrangers dans le noir et leurs mauvaises habitudes de concubinages en salle, les teléphones cellulaires qui étaient en pleines émergences, les envies de pisser qu'il fallait retenir, les scènes ratées quand un zouf échappaient un "ATCHOUM!!!!!" ou un toussement, les dialogues manqués quand la belle se penchait sur l'épaule pour dire "Qu'es-ce qu'il a dit?", le décor criard à la sortie du film avec ses machines à boules et des tonnes de choses qui rappelle tout sauf du cinéma.

Avec mes 3 films pour 5$ au club vidéo du coin, des films dans lesquels je pouvais faire "pause" pour traduire un bout pour la belle, "rewind" pour mieux comprendre une scène, des films que je pouvais écouter et réécouter en callant 34 bières et 8 vodkas, un trio de films qui, quand je louais Once Upon a Time In America, Apocalypse Now et Pulp Fiction disons, me coûtaient franchement pas grand chose pour 536 minutes de film.

L'argent ne prend pas beaucoup de place dans ma vie mais je sais quand même compter. De 7$ à 14 piasses pour quoi au juste? Une expérience? une agression oui. Boooooooooooon pas pour tout le monde mais pour moi oui.
Ce ne fût pas vraiment rationnel. La mort s'est déclarée toute seule. Le cinéma en salle est mort dans son sommeil en ce qui me concerne, tout doucement. Ce que je recherche d'abord et avant tout dans un film/un livre/ une série c'est une bonne histoire qui me donnera l'impression d'avoir grandi dans la dite "expérience". Pas besoin de l'odeur du pop-corn et de sentir des espadrilles dans mon dos.

Je comprends que pour beaucoup de gens c'est l'expérience collective qui les intéresse et le changement de décor qui compte. Se faire sortir de son quoitidien pour se faire plonger dans des cascades et autres moments électriques qui les détourne de leur vie plate. Ils veulent le grand écran et le 3D. Tant mieux pour eux. Je dirais même que c'est la majorité. Pour faire de gros sous, il faut la majorité.
Ce que la dame Trépanier, qui a lancé son cri du coeur, propose/proposait avec sa maison de distribution c'est/c'était la distribution de films pour gens qui ne se rendent probablement plus, comme moi,  en salle.

C'est d'abord et avant tout une très mauvaise étude de marché qui a été faite par son équipe. Elle a beau pointer la clientèle du doigt, ce faisant elle les accuse de ne pas se passionner là où elle se passionne elle-même. C'est un peu comme un chanteur populaire qui dirait "si mon disque n'a pas vendu c'est que les amateurs de musique sont lâches".

Nope.
Le bidou c'est dans la pub qu'il se trouve. Donc dans la tivi.
Le combat de Stéphanie Trépanier est tout ce qu'il y a de plus digne.
Mais il s'agit plutôt d'une mauvaise lecture de la clientèle.

J'ai aussi travaillé dans mon passé à la Cinémathèque Québécoise et c'était toujours la dualité entre le comptable et le patron:

Comptable: "Mais il n'y a personne! on ne fera pas d'argent ecnore ce soir!"
 Patron: "On est la cinémathèque, on existe pas pour faire de l'argent, on existe pour préserver la passion des arts"

C'était vrai. Ce l'est encore. Un film comme Un Prophète ou Le Fils ou All The Real Girls ne sont pas fait pour rayonner pour des milliers de personnes.

Radiohead n'est pas Coldplay.

Il n'y a malheureusement pas de place pour des longues vies en salle pour des Harmony Korine par chez nous.
Cette femme l'a appris à la dure.

Mais blâmer le consommateur n'est pas la solution.



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