jeudi 10 février 2011

Ernest Hemingway

Bon j'ai fais l'agace hier en vous disant qu'un mois de la vie d'Hemingway était plus excitante que la vie entière de bien des gens, je dois maintenant me justifier.

Ernest Hemingway est né en 1899 en Illinois d'un père physicien et d'une mère musicienne. Il a toujours détesté son prénom (offert pour honorer son grand-père maternel) lui rappelant le naif Earnest d'Oscar Wilde dans The Importance of Being Earnest. La famille, relativement riche et étiré à trois enfants (Ernest avait une soeur et un frère plus jeune) possédait un camp d'été au Michigan où Ernest a très tôt appris à chasser et a aimer l'aventure en plein air.

À l'école secondaire, il s'implique dans pratiquement tous les sports, water-polo, athlétisme, football et boxe dans lesuqles il excelle. Il est aussi impliqué dans le journal scolaire. Travaillant six mois pour le Kansas City Star comme apprenti journaliste il est aussitôt appelé pour soutenir l'effort de guerrre et quitte au début de 1918 pour l'Europe en tant qu'ambulancier pour la Croix-Rouge.

 Il regroupe les fragments d'une femme décomposée sur le front italien avant d'être atteints lui-même par des tirs ennemis dans les deux jambes deux mois plus tard. Il passe 6 mois à l'hôpital et tombe amoureux de son infirmière, de 7 ans son ainée. Celle-ci préfère toutefois marier un militaire haut-gradé italien et ceci brise le coeur d'Hemingway. Il jure alors de toujours quitter les femmes avant que celles-ci ne le blesse de la même manière dans le futur.

Il n'a pas encore vingt ans lorsqu'il revient en Amérique où il découvre la solitude d'après-guerre et travaille comme éditeur associé du journal Cooperative Commonwealth de Chicago. Il y rencontre Hadley Richardson qui deviendra sa femme. Correspondent étranger pour le Toronto Star, il quitte pour Paris avec Hadley.

Il y rencontre et fréquente des gens très intéressants. Gertrude Stein, James Joyce, Ezra Pound, Pablo Picasso, Joan Miro, Juan Gris.
Ezra Pound, de 14 ans son ainée, le prendra sous son aile et ils font le tour de l'Italie ensemble. Joyce et Hemingway se saoûlent à outrance des fois pendant 3 jours sans dormir. Il écrit 88 articles en 20 mois pour le Toronto Star depuis l'Europe. En voyageant en Espagne, il découvre et tombe follement amoureux des corridas. Il retourne momentanément en Amérique le temps d'avoir un premier fils. Il publie bien deux recueils de nouvelles qui passent inaperçus, s'ennuie mortellement à Toronto (who wouldn't?) et choisit de retourner vivre à Paris en tant qu'écrivain. Son chum de brosse, Françis Scott Fitzgerald vient de publier The Great Gatsby avec beaucoup de succès et Hemingway prend alors la décision d'écrire sa première nouvelle.

Un voyage avec sa femme, quelques amis des États-Unis (dont John Dos Passos) et quelques expatriés  britanniques en Espagne pour le festival de San Fermin de la Pamplona (et quelques corridas bien entendu) lui inspire le matériel de The Sun Also Rises. Le livre est publié en octobre 1926 et représente aussitôt l'épitôme de la génération expatriée de l'après-guerre. Si le livre est un grand succès, le mariage d'Ernest et Hadley s'effondre. Ils se séparent et Hemingway, déjà en relation avec Pauline Pfeiffer, une employée de Vogue magazine, la marie 4 mois plus tard.

Ils quittent pour Key West, selon la recommandation de John Dos Passos, afin d'avoir un deuxième fils en été 1928. Avant la fin de l'année, il apprendra le suicide de son père, qui vient s'ajouter au suicide du père de son ex, Hadley, et qui lui fera dire "Je finirais de la même manière".
Il réécrit 17 fois la fin de A Farewell To Arms qui sera publié en septembre 1928. Le succès du livre est immense et le rend financièrement indépendant.

Il a une maison dans le Wyoming où il passe ses jours d'été et une à Key West où il passe ses hivers. Il a un troisième fils en 1931, fait de nombreuses excursions de pêche en mer avec des amis, et passent toutes ses soirées à boire au Sloppy Joe's bar. Il voyage en Europe et à Cuba. Il voyage aussi avec Pauline dans un safari de dix semaines en Afrique, écourté lorsqu'il tombe malade. Nourrit de cette expérience il publiera le recueil de nouvelles Green Hills of Africa en 1935, une oeuvre négligeable. Il a désormais un bateau et navigue la mer des Caraïbes régulièrement.
En 1937, alors en Espagne, il publie To Have and Have Not. Il couvre la guerre civile Espagnole et se brouille définitivement avec John Dos Passos. Martha Gelhorn, une autre employée de Vogue rencontrée à Noël, en 1936, vient le rejoindre à Madrid. Ils ont une idylle.
Au printemps de 1939 il traverse à Cuba pour y vivre. Il se sépare lentement de Pauline. Martha va bientôt le rejoindre. Il divorce Pauline et marie Martha en 1940. Il a une maison à Ketchum en Idaho pour ses étés et une résidence à Sun Valley à Cuba pour ses hivers.
En octobre 1940, il publie For Whom the Bells Tolls et est nominé aussitôt pour le Prix Pulitzer.
Pendant la deuxième guerre mondiale, il est en Europe de juin à décembre 1944. Il assiste au débarquement de Normandie, se promène parmi les escadrilles et les dirige même, ce qui le mettera dans le trouble plus tard alors que seuls les militaires peuvent diriger des troupes en temps de guerre. Hemingway est journaliste.
En 1947, il reçoit, tout comme lors de la première grande guerre, une médaille de bravoure et doit se défendre de ses improvisations sur le terrain. Il sera pardonné mais pendant la guerre, il fût violemment malade, il a été hospitalisé pour une pneumonie et à son retour, il souffre d'une commotion cérébrale suite à un accident de voiture.
Il a fait la connaissance de la correspondante du Time magazine Mary Welsh et laisse tomber Martha de son lit d'hôpital. Il mariera Welsh en 1946.

Les années suivantes seront dures.

Il se démolit le genou dans un autre accident de voiture. Mary se brise la cheville à deux reprises dans des accidents de ski. Deux de ses fils subissent aussi d'importantes blessures dans des accidents de la route. Hemingway a les blues alors que ses amis meurent les uns après les autres. William Butler Yeats et Ford Madox Ford en 1939, Scott Fitzgerald en 1940, Sherwood Anderson et James Joyce en 1941, Gertrude Stein en 1946, Max Perkins en 1947. De plus Hemingway commence à faire du diabète.
Publié en 1950, Across the River and Into the Trees est assasiné par la critique et les ventes sont terribles.

Il écrit alors en 8 semaines The Old Man & The Sea qu'il avoue être "le mieux qu'il ne pourra jamais écrire". Tout le monde est d'accord là-dessus. Il gagne le Pulitzer en 1952 pour ce livre. Hemingway est une star internationale à nouveau.

Il offre comme cadeau de Noël à sa femme un safari au Congo. L'avion qui les mêne dans un raid photo s'écrase dans un arbre brisant deux côtes à Mary Welsh. Hemingway est surtout bléssé à la tête. Le moteur de l'avion qui doit les mener à l'hôpital le plus près le lendemain explose en plein vol et le nouvel écrasement brûle sévèrement Hemingway et lui procure une commotion cérébrale sérieuse qui cause des fuites cérébrales inquiétantes.
Une fois à l'hôpital Hemingway doit démentir aux journalistes sur place les nouvelles de sa mort. Hemingway poursuivra le voyage mais aura davantage de brûlures à l'avant-bras, aux lèvres, aux deux jambes, à la main gauche et au torse suite à un feu de forêt. On découvre qu'il aura continué le voyage avec deux disques fêlés, des reins en très mauvais état, un foie déchiré, une épaule disloquée et un crâne brisé (rien que ça?). Déjà fort sur la bouteille il double ses consommations pour endurer la douleur.

Il gagne le prix Nobel de Littérature en 1954, prix qu'il refuse poliment jugeant qu'on lui accorde car on a peur qu'il meurt prochainement. En 1956 il retourne en Europe et tombe encore malade. Haute pression, problème de foie, sclérose artérielle.
Il retourne à Cuba pour y travailler sur de multiples projets d'écriture dont des mémoires.  Épuisé par les curieux qui viennent le voir et souvent déprimé, il est forcé de quitter Cuba, sa maison, ses écrits et sa collection d'art et de 6000 livres, quand Castro résiste avec succès à l'invasion de la Baie des Cochons.

Noël 1959, il semble souffrir de paranoia. Il voit le FBI partout et est inquiet pour des finances pourtant fort saines. Il envoie au Life Magazine un texte de 63 000 mots alors que la commande était de 10 000 mots. Il est confus, hésitant, désorganisé quand vient le temps de l'éditer.

Sa santé mentale semble se détériorer pendant l'été 1960. Il voyage en Espagne pour y prendre de photos qui l'inspirerait pour son prochain livre mais reste enfermé seul pendant des semaines dans sa chambre d'hôtel.
Il perd lentement la vue et est traité pour de l'hypertension. Il reçoit des traitements de chocs électriques jusqu'à 15 fois par jour. Quand sa femme le trouve avec un fusil à la main un matin, il reçoit davantage de chocs électriques.

Le 2 juillet 1961, il en a assez, il plante son fusil préféré dans son palet et se fait sauter la cervelle.

Tous les ingrédients y étaient depuis trop longtemps pour que sa tête ne le lâche pas.

Son frère et sa soeur se suicideront aussi.
Margaux Hemingway, soeur de Mariel et fille du premier fils d'Ernest, aussi.

Mais l'oeuvre d'Ernest survit.

C'étais hier la journée de la conversation nationale sur la santé mentale, il me semble approprié de parler d'Hemingway.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Super, merci pour cette biographie. J'ai déjà entendu parler d'Hemingway comme un des derniers écrivains/aventuriers. Je pense effectivement que c'est un gars qui a vécu autant qu'il a écrit. La télé et Facebook nous rendent zombie, c'est un beau modèle (mis a part le headshot).

Guillaume