dimanche 20 mars 2011

Tromper Eli

Après une vraie semaine de cul, je croisai un miroir qui me renvoya une tête dans un très mauvais état.

Pas seulement à cause des crevasses qu'il y avait sous mes yeux mais surtout à cause de la motte de poil qui gisait sur mon crâne de manière éparse.

Une vraie tête de zouf mal avisé sur la longueur adéquate des cheveux pour faire un homme sérieux.

Je pris donc rendez-vous au salon de coiffure. J'avais toujours eu une belle relation avec ma coiffeuse. Une jolie jeune femme qui semblait apprécier beaucoup ce que j'avais à lui raconter et avec laquelle semblait exister une tension sexuelle non négligeable.

Mais, des belles filles, doit toujours émaner cette aura sexuel que seul l'homme s'invente.

Reste qu'elle rougissait souvent quand je la voyais, semblait changer de comportement en ma présence et riait facilement, même à des choses pas tellement drôles. Comme une adolescente devant son joueur de football préféré. Je la trouvais agréable mais probablement parce que je sentais (m'imaginais?) que je lui plaisais. On (je) devient(s) toujours un peu plus pute quand on (je) sait(s) qu'on (je) plait(s). Le niveau de mes conversations avec elle devenaient toujours dangereusement plus superficielles de fois en fois. Mais peut-il vraiment en être autrement dans les discussions avec son coiffeur? Travaillez dans les chiffres, on vous parlera chiffre. Travaillez dans l'électronique, on vous parlera bidouillage. Travaillez dans le cyclisme on vous parlera de drogue. Travaillez dans l'apparence, on vous parlera apparence.

Je ne peux quand même pas m'attendre à parler de Nietszche avec ma coiffeuse. Et ce ne doit pas être si évident de nager dans le faux comme ça tout le temps. À l'aveugle, nous avons trouvé quelques points en commun à se jaser au fil du temps. On s'est répété aussi. Un gars c'est pas très longtemps en général sur une chaise de coiffeur et les conversations ne sont jamais très longues. Une conversation aux trois mois, on oublie.
De plus, dans ce salon, il ne semble pas y avoir beaucoup de clients masculins. Je crois en avaoir croisé un seul, peut-être deux, depuis 2008. Mon passage semble toujours marquer une certaine agitation dans la vingtaine de coiffeuse et d'assistante sur place. Ça m'agace. Je pourrais même pas me décrotter le nez sans que l'on me surprenne. Je me sens épié de toutes parts. Même par moi-même! J'en ai déjà discuté, je ne prend pas un grand plaisir à me regarder 45 minutes dans un miroir. Je finis par n'y voir que les défauts de ma tête. Narcisse s'est noyé, vous savez.

Alors qu'Eli (ma coiffeuse habituelle) était en vacances pendant un mois j'ai eu à me faire tailler le cheveux. L'amoureuse se fait couper les cheveux au même salon par Benoit. Un rare homme chez les employés et qui prend un malin plaisir à me dévisager depuis mes tout débuts à ce salon. Moi je ne voulais rien savoir d'avoir un homme d'une autre allégeance me jouer dans le cheveux, j'avais plutôt choisi la clone d'Audrey Hepburn comme coiffeuse attitrée. Se faire couper les cheveux n'a rien de sexuel, se faire jouer dedans rapelle quand même quelques douceurs.

Mais une urgence hirsute m'a obligé à prendre rendez-vous avec Benoit.
"De toute façon ça ne fait pas trois fois que tu dis qu'Eli te fais une mauvaise job?" m'a demandé l'amoureuse.
"Oui mais tsé..."
"Benoit me parle toujours de toi et de comment il voudrait travailler ta tête, tu devrais prendre rendez-vous avec lui, Eli ne le saura pas"
"...travaillez ma tête? lui? tu penses que ça me donne le goût de prendre rendez-vous?"

J'ai quand même pris rendez-vous un mardi. Fort excité, Benoit a mis le paquet pour m'en mettre plein la tête. Et avec succès. Il fait nettement un meilleur travail que la gentille Eli. Nous avons pris rendez-vous deux autres mardis (le jour de congé d'Eli) depuis. Au lieu d'être relax je suis toutefois maintenant assez inconfortable. Aucun éveil sexuel avec Ben. Il est toujours d'accord avec tout ce que je dis. La jobbe plate pis c'est toutte. Mais bien faite. Bye bye, sex in my head.

Cette fois la situation était critique et je devais me faire travailler cette sale tête que me renvoyait le miroir.

Nous étions vendredi. Je serais à trois chaises à la gauche de la belle Elisabeth Hepburn. Comment gère-t-on une telle désertion sans blesser quelqu'un?

"C'est ma blonde qui a pris rendez-vous avec son coiffeur à elle"
Non. Trop cheap. Elle a accès au cahier de rendez-vous, peut-être sait-elle déjà que je suis passé à l'ouest. Si ça peut la consoler mes conversations sont encore extrèmement superficielles, moins intéressantes que celles que j'avais avec elle et je n'éprouve aucun désir envers Benoit (assurément la fille dans son couple). Mais encore, en quoi ce que je viens de dire viendrait la rassurer sur quoi que ce soit? Je lui fait un désavoeu total de ses compétences en plus d'altérer ses revenus.  Il fallait que je lui dise quelque chose... mais quoi?...comment?...

Quand je me suis présenté elle était occupée avec une cliente. J'ai pu m'assoeir en lâche trois bancs plus loin. Ma conversation avec Benoit l'excité, pas toujours entérée par les séchoirs. J'avais un excuse, minable mais une excuse quand même: elle était prise. Mais elle a fini sa cliente avant que moi j'eusse une nouvelle tête. J'ai regardé vers elle et, bien qu'elle ne me regardait pas, je savais qu'elle savait. Ses yeux tristes, sa manière nonchalante de passer le balai comme Cendrillon le faisait le soir du bal. Ses yeux verts étaient passés au gris.J'étais aussi la seule voix mâle du salon, donc, facile à entendre (même la voix de Benoit...très fille).

C'est une femme bléssée que je voyais au loin. Ça m'a fait mal, moi aussi.

Elle avait fini son quart de travail, elle partait diner, elle se sauvait d'un salon qui lui faisait trop mal ou tout ça en même temps, mais peu de temps après ses coups de balai, elle quittait le salon avec son manteau sur le dos. Ça se synchornisait avec moi au comptoir qui payait. Je l'ai rattrappée dehors.

"Eli!...."
Je l'ai comme sorti d'un rêve.

"Ah! Salut Hunter..."

"Je...je suis gay..."
Wut?

Son visage triste s'est soudainement illuminé, elle est resté un moment en suspension afin de tenter de distinguer le faux du moins faux puis a éclaté de rire.

"C'est correct mais...mais ta femme?...tes enfants?..."
"err...ne leur dit pas o.k.? ce sera notre secret à nous deux..."
"Pas de problèmes, tout s'explique, allez salut faut que j'y ailles" a-t-elle dit avant de partir.

En marchant toujours au loin elle s'est retournée vers moi:
"Dommage, c'est une belle perte pour les femmes" a-t-elle rajouté

Le choix des mots...
C'est supposé être mon métier.
Cybole.
Elle va surement en parler à Benoit.

(...)

Je dois me trouver un autre salon.

Tab...de semaine de..

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