dimanche 24 avril 2011

Le Génocide Arménien de 1915

Le premier génocide du vingtième commençait aujourd'hui en 1915 à Istanbul.

Ce samedi là, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide qu'on prendra du temps à reconnaître. Que certains nient encore. Il va faire environ 1,2 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc.

L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.

Dans les années qui précèdent la Grande Guerre, la décadence de l'empire ottoman s'accélère après une tentative de modernisation entre 1839 et 1876. Le sultan Abdul-Hamid II n'hésite pas à attiser les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie feront de même dans leur empire).

Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer entre 200 000 et 250 000 avec l'aide des montagnards kurdes. Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de chrétien à musulman de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont tout simplement rayés de la carte.
Les Occidentaux regarderont tout ça de loin. Plus préoccupé par la Première Grande Guerre qui se dessine. Le sultan tente de jouer la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II. Mais il est tassé en 1909 par le mouvement nationaliste des «Jeunes-Turcs» qui lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes.

Les «Jeunes-Turcs» veulent se démarquer des «Vieux-Turcs» qui, au début du XIXe siècle, s'étaient opposés à la modernisation de l'empire. Ils installent au pouvoir un comité dirigé par Enver Pacha, qui n'a que 27 ans, sous l'égide d'un nouveau sultan, Mohamed V. Ils donnent au pays une constitution ainsi qu'une devise empruntée à la France: "Liberté, Égalité, Fraternité".
Ils espèrent un sort meilleur pour les minorités de l'empire, sur des bases laïques. Mais leur idéologie emprunte au nationalisme le plus étroit.

Dès 1909, soucieux de créer une nation turque racialement homogène, les Jeunes-Turcs multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure. On compte ainsi entre 20 000 et 30 000 morts à Adana le 1er avril de cette année-là.

Les Jeunes-Turcs lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens. Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité. Encore aujourd'hui il est difficile de distinguer le vrai du faux dans l'histoire de la région.  Ce nationalisme outrancier n'empêche pas les Jeunes-Turcs de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.

Les Jeunes Turcs profitent du déclenchement de la Première Grande Guerre Mondiale pour accomplir leur terrible projet d'éliminer la totalité des Arméniens de l'Asie mineure, qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.

Les agents du gouvernement rassemblent les hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup d'hommes sont aussi tués sur place. Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont beaucoup de facilité à réunir les femmes et les enfants. Ils les font marcher sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables vers les villes ottomanes, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des montagnards kurdes, trop heureux de pouvoir librement exterminer leurs voisins et rivaux. Femmes et enfants débouchent en général sur une mort rapide.

Les plus jeunes femmes, les plus hardies et souvent les plus jolies survivent mais subissent les pires sévices et sont vendues comme esclave. Elles sont aussi souvent mariées, chrétiennes converties de force à l'Islam. En septembre 1915, après les habitants des provinces orientales, vient le tour d'autres Arméniens de l'empire. Ceux-là sont convoyés dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour. Ils les enchaînent par le cou les uns aux autres et font tomber les premiers, entrainant les autre enchaînés, dans des ravins ou dans des bassins d'eau que le chaines gardent au fond et noient.

Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane.

C'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale, occupée par la Première Guerre Mondiale et négligente à l'égard de l'Arménie,  a retrouvé le souvenir de ce génocide, à la demande de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont jamais hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs.

Si vous êtes pris dans le traffic de la 15 direction Nord comme moi, vous remarquerez une pancarte géante sur le flanc de l'école arménienne de Montréal:
"Je me souviens du génocide de 1915"

C'est aujourd'hui que ça commençait.
Il y a 96 ans.

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