samedi 28 mai 2011

La Jeune Fille qui N'existait Pas

Ses parents l'avaient eu malgré eux.

Par frottement de corps à corps en lendemain de brosse.

Il n'avaient jamais voulu d'elle. Si tant que quand elle est née, son père s'est tout de suite poussé. Il s'est occupé à courir les casinos, à se ruiner, se refaire, se ruiner à nouveau, se refaire un peu. Déménager pour fuir les créanciers était un sport plus facile à pratiquer seul. Une femme, bah! il en aurait des milliers de passage ici et là. Un gosse? Pas question! c'est emmerdant et ça fatigue.

Bye girls!

Sa mère avait bien tenté de jouer la mère mais rapidement, elle n'en pouvait plus. Aux 7 ans de la petite, maman en avait 26. Elle la laissait seule à la maison et partait vivre sa jeunesse à elle, qu'elle ne se souhaitait pas embourbée d'une enfant. Elle lui louait un film, la collait devant la télé et se sauvait avec des amis toute la nuit. Elle avait vu tant de films seules chez elle qu'elle en aurait horreur pour le restant de ses jours.
La femme dans sa maison était presque comme son père: inexistante. Ils se croisaient tout juste du regard. Un regard rarement habité d'amour. Le même regard qu'on aurait en regardant une mouche.
Cette femme fantôme avait misé toute ses énergies de mauvaise mère à créer une indépendance chez sa fille. Une autonomie qu'elle lui disait. Elle la repoussait constamment en disant "Débrouille-toi tu es assez grande" Elle la fuyait physiquement avant de s'enfermer dans sa chambre où elle travaillait à faire des lignes érotiques en journée.

Pour s'en rapprocher, la petite avait pris l'habitude de se coller le dos à la porte et d'écouter ses ralements au téléphone.

Cette enfance de carences affective avait un effet pernicieux sur la petite. Elle réclamait constamment de l'attention à l'école. Une attention qui lui avait manqué cruellement à la maison. Rien de trop déplacé, juste un surplus d'attention réclamée auprès de ses pairs, des ses profs, de ses chums. En même temps, elle savait se faire discrète. Elle savait trop bien qu'elle était de trop dans la vie de sa mère, pouvait-elle être acceptée ailleurs?
Car c'était une belle fille. Elle voyait bien qu'elle attirait les regards. Se faire des amis n'était pas très difficile mais comme les contacts sociaux n'avaient jamais été tellement étudié dans son foyer, elle ne gardait pas ses amitiés bien longtemps. Elle était trop intense pour garder ses amitiés bien longtemps. Mais le temps que ça durait c'était bon.

Dès l'adolescence, elle ne rentrait plus à la maison. Sa mère, qui n'avait que 19 ans de plus qu'elle, ne rentrait pas non plus. Leurs routes ne se croisaient plus. Et pourtant leur destin ne seraient pas si étrangers l'un face à l'autre.

Maman trouverait un riche amant. La petite aurait ses 17 ans et commencerait à travailler. Tout irait pour le mieux. Elle était belle. Tout arrive aux filles belles. Le temps que ça durerait ce serait bon.

La jeune fille avait découvert les caresses sexuelles vers les 12 ans. Puis les contacts avec des garçons vers les 14. Avec une fille à 15 ans. Pour les yeux d'un garçon. À 17, elle en faisait un métier pour ramasser des sous. Pour prouver à toutes les filles jalouses du passé qu'elle pouvait être quelqu'un de riche. Qu'elle pouvait incarner le contraire de l'ennui. Son rythme de vie allait éclabousser cette enfance passive et longue. Ce terne passé serait vite oublié.

Pour ses 20 ans, elle avait enfin son 15 minutes de gloire à la télé.

Sans visage mais elle existait.

Un peu.

"Voyez je suis toute à vous,
Et toute à moi en même temps.
Partout et nulle part à la fois"

Je suis Dieu.

Inexistante tel un trou.

Un trou de mémoire pour des parents.
Un trou de passoire pour des clients.

Le temps que ça durerait, ça serait bon.

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