dimanche 19 juin 2011

10 Juillet 1999

C'est le plus beau des feelings.

Nous étions prévus la belle et moi à l'hôpital pour 5 h du matin. Petit poucet était lui, prévu 10 jours avant mais bon, il devait être bien là où il était, il ne voulait pas sortir. L'amoureuse devait être provoquée vers 6h, l'hôpital nous avait donc demandé d'arriver autour de 5h.

Toutefois, pendant que nous nous préparions, entre 3h30 et 4h00, le téléphone a sonné. Nous savions trop bien que c'était l'hôpital et assurément pour nous retarder. La grève des infirmières sévissaient à Montréal (partout en province?) et seul l'hôpital Sainte-Justine accouchait les mères. Sur quelque chose comme 12 chambres d'accouchement, il y avait au moment de l'appel 17 accouchements en cours. Toutes les mamans de Montréal atterrissaient à Ste-Justine, mêmes celles qui n'y étaient pas prévues, c'était le seul hôpital qui détachait les bébés de leur mère ce jour-là. Nous étions repoussés autour de 7h.

On a pris ça en riant et on a prit un peu plus de temps à se préparer sans stress. 5h30 un autre appel. Sommes repoussés vers 10h. o.k. On va se trouver une activité. 8h45 un autre appel, ce sera plutôt 11h. Pas vraiment le temps d'aller nulle part, pris dans notre chez nous, le temps de trouver comment s'occuper que le téléphone sonne à nouveau pour nous dire que ce sera en début d'après-midi. Ce cirque a duré jusqu'en soirée où on nous as accueillis à 17h, libérés de l'antichambre du plus jour de notre vie.

Outre cette famille africaine où ils devaient bien être une vingtaine dans la chambre d'accouchement, une fois isolés dans notre chambre à nous, ce fût le calme absolu. Bébé dormait profondément en maman et n'avait certes aucune envie de sortir. Maman était si détendue qu'elle s'est même pratiquement endormie. J'ai lu à ses côtés dans un esprit totalement zen. Stressant les accouchements? Pas chez nous. Avoir su, c'est là qu'on aurait dû dormir.
Ce n'est que lorsque nous avons vu la taille de l'aiguille de l'épidural, tard en soirée, que le stress a fait trembler un peu.

Bébé était non seulement endormi en maman mais il semblait aussi déterminé à ne pas sortir du tout. Pauvre maman a poussé pendant 5 heures...5 heures de "pousse! pousse ma chérie!...", une chérie tellement "gelée" qu'elle ne se sentait plus les jambes. À 3 heures du matin nous n'avions toujours pas dormi et bébé ne voulait toujours pas trouver le chemin. Le lendemain, ce qui n'est rien par rapport au maux de maman, j'en garderais de sérieuses douleurs au ventre, comme si j'avais fais 4000 redressements assis, pour avoir poussé avec elle inconsciemment en lui tenant la jambe.

À 3h33 très exactement, les forceps ont sorti le petit Monkee. J'ai coupé le cordon ombilical mais n'en ai gardé aucun souvenir (étais-je drogué moi aussi?) Le souvenir notoire a été ce protecteur facial que je n'avais pas pris le temps de mettre et cette odeur chaude qui me montait au nez. J'ai eu quelques vertiges et quand j'ai demandé si quelqu'un allait rammasser les selles et qu'on m'a expliqué que ce n'étais pas des selles mais des veines gonflées par les 5 heures de pousse, là j'ai carréement passé près de m'évanouir. La pauvre chouette s'était franchement démolie pour cette petite bête mauve qu'on me mettait au visage et qui piaillait comme un canard avec son oeil noir.

Soyons franc, je n'ai jamais été en mesure de dire "oh le beau bébé!..." en le voyant. On me brandissait un bébé mauve, puant, avec beaucoup d'acné de bébé au visage (mais je ne savais alors pas ce que c'était) et la tête dangereusement difforme de par sa sortie par forceps. Il y avait l'amoureuse derrière, déchirée à coup de ciseaux et les fesses en feu, stone et crevée. Ma tête était pleine de toutes sortes de questions.

On a vite été porter le bébé ailleurs afin de "reformer" sa tête (c'est ce qu'ils font avec les bébés forceps) et la belle et moi sommes restés en apesanteur dans nos nouveaux rôles de parents.

N'ayant pas dormi depuis plus de 24 heures nous étions de toute façon en apesanteur perpétuelle en quelque sorte. Quand une infirmière est venue réveiller l'amoureuse vers 6h pour qu'elle donne le sein, la belle a carrément pêté les plombs. Il a fallu que je la sépare du visage de l'infirmière qu'elle griffait à grands coups de pattes de tigresse. La femme commençait sa journée et n'avait pas saisi l'étendue de notre fatigue. Le sein s'est presque terminé là. Bébé était pénible à le prendre de toute façon et faisait extrèmement mal à sa mère (encore).

La toute première "nuit"* de bébé reste l'un de plus beaux moments de ma vie. J'ai volé un lit de camps qui trainait dans le corridor (car le bordel était pogné dans l'hôpital où tout le monde accouchait) et ai dormi près de maman. Par une chaleur exténuante, et suivant les recommandations de l'infirmière, j'ai placé bébé à plat ventre sur ma poitrine dénudée et ai dormi...quoi? quatre heures?
C'est encore aujourd'hui ma moyenne, quatre heures.

Mais quatre des plus belles heures de ma vie.

On a bien tenté en après-midi de dire à nos proches qui nous avait laissé la veille pour nous reposer (croyant que nous accouchions très tôt le matin) de ne pas venir en soirée nous visiter car nous étions tout simplement zombies, mais la plupart ne pouvaient pas se décommander. Ils étaient 17 dans la chambre à féliciter deux néo-parents 100% cadavériques. J'ai même "perdu" mes parents pendant un temps dans la petite chambre où nous étions tous.

C'est à ça que je pensais mercredi dernier quand je regardais le beau grand garçon aux cheveux trop longs qui allait chercher son diplôme de finissant de 6ème année.

Merci à Twinling, Monkee et Punkee de m'avoir plongé dans la paternité.
Merci à mon père de d'avoir donné envie de tout ça.
Merci au beau-père de m'avoir donné envie de sa fille.

C'est le plus beau des feelings.

Le feeling d'être papa.
Bonne fête aux pères.

*de midi à 16h...genre

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