lundi 12 septembre 2011

Évasion(s)

Dégriser.

Après avoir bu et dansé une bonne partie de la soirée hier, Marie-Ève devait freiner cette envie de vomir qui lui tenaillait le ventre dans les draps. Ses yeux se posaient sur les gros chiffres du cadran du réveil.

5h32. 

Elle se demandait, depuis quand avait-elle ce cadran?

Jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle ne se réveillait pas dans son lit.

Levant la tête, elle vit la tête du jeune homme à ses côtés. Patrick ou Nicolas elle ne se souvenait plus. Un beau gosse les cheveux en bataille. D'après leurs nudités communes, ils avaient passé la nuit ensemble. Ça lui revenait peu à peu. L'envie de vomir lui a repris. C'était pourtant bien, dans le feu de l'action ça semblait aller de soi. Mais ce matin, ce mal de bloc, cette nausée, cette envie de n'exister que sous le tapis ce cet étranger.

Elle se leva doucement afin de ne pas réveiller le jeune homme à ses côtés, enfila son linge, tira souvent sur sa jupe courte, si souvent qu'elle dû se raisonner et s'avouer que sa jupe n'était pas plus longue. Pas étonnant qu'elle eû attiré quelqu'un si elle avait montré tant de jambes. Elle regarda le jeune homme qui dormait à poings fermés et se félicita intérieurement. C'est vrai qu'il était beau. Marie-Ève avait le pouvoir de séduire de beaux hommes. Elle en avait la preuve devant elle. Toutefois, Marie-Ève n'était pas une fille à se donner dès le premier soir. Elle n'était pas du type "déjeuner" non plus. Elle n'était très certainement pas du genre à boire un grand coup et à suivre ses bas instincts de désirs humains. C'était des réflexes de garçons et elle était pleinement fille.

Elle se trouvait conne. C'était le genre de scène qu'on voit dans les films et face à lesquelles on pense "Franchement, boire au point de ne pas réaliser que l'on découche et que l'on baise...". Ce n'était pas elle tout ça. Voilà pourquoi il fallait qu'elle file à l'anglaise. La marche de la honte. Elle ne prit pas le temps de regarder tellement longtemps son petit appartement. Les dortoirs du College Ste-Trinité sont probablement tous pareil. Comment avait-elle réussit à s'y faufiler, n'y avait-il pas de système de sécurité? Et comment sortirait-elle sans se faire remarquer?

Aussitôt à la porte de la chambre du dortoir, qu'elle refermait avec une douceur maladive afin de ne pas éveiller quiconque, elle sentit une présence derrière elle. Elle se retourna pour y découvrir, sur le même palier, une autre fille, légèrement plus agêe qu'elle, peut-être de l'âge de Patrick ou Nicolas, qui refermait comme elle tout doucement la porte de la chambre du dortoir deux portes plus loin. Elle venait visiblement de quitter son lit, était assurément habillée comme la veille, c'est-à-dire de manière plutôt aguichante, et sortait avec tant d'empressement qu'elle n'avait pas complètement remonté l'une de ses bottes qui devait lui monter jusqu'au genou. Elle fuyait les lieux de luxure elle aussi, c'est certain.

Les voilà toutes deux qui appliquaient le même type de sortie discrète. Elles marchaient d'un pas rapide, toutes les deux, sans se parler, fuyant les lieux du vice. Elle ne pouvaient tout de même pas se jaser, ce n'étaient pas des amies. Marie-Ève lui jetait un regard de temps à autres. Cette fille aurait pu être une candidate de télé-réalité.
Du botox dans le visage? déjà? une jeune fille dans la vingtaine. Marie-Ève ne savait trop si c'était parce qu'elle sortait visiblement d'une baise mais elle lui trouvait un air de fille vulgaire.

 Marie-Ève et sa partenaire d'évasion ont longé le long corridor du dortoir du College Ste-Trinité, ont descendu les marches qui menaient au lobby principal, ont ensuite descendu les marches qui menaient à l'extérieur, tout ça presque côte à côte. L'une se fiant peut-être sur l'autre afin de déterminer le meilleur plan de sortie. Comme deux oiseaux en plein vol. Qui guidait qui? L'ensemble de leurs mouvement ne semblaient maintenant plus qu'instinct.

En marchant dehors la distance du terrain de l'établissement scolaire, Marie-Ève repensa à son partenaire de nuit. C'étais si bon, elle eût un frisson. Mais non, ce n'était pas une fille comme ça. Elle considéra quelques instants discuter avec la fille à ses côtés, il lui semblait que c'était la chose à faire. Mais en tournant la tête, elle vit que le mascara de la jeune fille avait coulé. Avait-elle pleuré? pleurait-elle en ce moment même? Elle la regarda deux autres fois sans arriver à en tirer des conclusions. La seule désolante conclusion étant encore "Cette fille a vraiment usé du botox à son âge..." La jeune fille en retour n'a jamais tenté de faire un contact visuel avec Marie-Ève. Comme si elle se disait qu'elles n'étaient pas dans la même "ligue". Comme si elle ne voulait pas être associée à l'autre. Deux ombres fuyant la lumière.

Les deux filles sortirent du site du Collège. Elles arrétèrent toutes les deux au même arrêt d'autobus. Marie-Ève considéra un instant quitter l'arrêt et marcher jusqu'au prochain. Après tout les autobus passaient-ils si tôt le samedi matin? Elle sentait qu'il fallit entamer une discussion avec sa "complice" de fortune. Celle-ci a coupé court à tout moment d'inspiration en sortant son Iphone et en pitonnant dessus. En se fermant les yeux Marie-Ève l'aurait facilemnent imaginée se sortir une aiguille et s'injecter du botox sur les lèvres.

Marie-Ève et la jeune fille étaient toute deux parfaitement seules dans l'abribus assies, l'une en face de l'autre. Marie-Ève pu la regarder et détailler ses traits. Elle avait franchement l'air d'une guidoune à ses yeux. Pas le genre qui aurait été son amie à elle. Elle ne pitonnait plus maintenant sur son Iphone mais s'arrangeait un peu dans le reflet que celui-ci lui renvoyait. Marie-Ève brisa le silence. Elle se savait encore un peu saôule de la veille. La phrase est sortie toute seule.

"Salut, c'est quoi ton nom?"

La jeune fille sembla comme sortie d'un rêve. Elle laissa passer un ange et avec ses yeux de raton-laveur, comme si elle voyait Marie-Ève pour la première fois, répondit: "Marie-Ève"

Après un temps la jeune fille lui renvoya la question.
"Nadine" menti Marie-Ève.

Elles ne se parlèrent plus. Toutes deux isolées dans le corridor des amants en fuite.

Quand le bus passa, Marie-Ève ne le prit pas.

Elle ne voulait pas être associée à l'autre.
Elle n'était pas une fille comme ça.

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