vendredi 2 décembre 2011

Taxage et Intimidation (Clair Vacarme)

On a beaucoup parlé de taxage et d'intimidation chez les jeunes depuis quelques jours.

Débat surtout déclenché par la médiatisation du suicide d'une jeune fille de 15 ans conséquemment au taxage scolaire.

On oublie quelque fois que cette technique, le taxage, est omniprésente chez les adultes.

Les arénas sont une fabrique de taxage. Quand j'étais jeune, j'étais sur la glace et je ne réalisais pas vraiment qu'il y avait foule. Ma concentration était sur le jeu sur la patinoire. Il y avait bien le père du gros Venchiarutti qui beuglait sans arrêt du tout début jusqu'à la fin d'un match mais on lui pardonnait. Il avait l'excuse d'être italien et conscient qu'il était trop émotif, il avait au moins la classe de se placer loin des autres parents, au fond de l'aréna. (Ce qui devait avoir une influence sur l'acoustique de l'aréna Jacques-Côté car sa voix se propulsait assez bien quand même.) Mais en général la foule n'était que vague vacarme.

Jamais la foule n'a influencé quoi que ce soit qui se passait sur la glace. En fait c'est faux, une seule fois, dans le coin de Baie-Saint-Paul. C'était les séries ou quelque chose comme ça. L'enjeu était grand en tout cas et tout le monde était légèrement plus à cran. Nous perdions 4 à 1. Petite peste que j'étais, je me devais de faire quelque chose afin de relancer l'équipe car nous n'étions qu'au tiers du match, rien n'était terminé. Quand le gardien adverse a quitté son but et que je fonçais vers la rondelle, j'ai "perdu pied" vers lui pour le faire s'écraser contre la bande. Bien entendu ils étaient ensuite 6 à me sauter dessus pour me faire un mauvais parti. Quand on m'a envoyé au banc de punitions, j'ai réalisé que le banc entier adverse voulait ma tête mais aussi que les spectateurs du club adverse prenaient la peine de venir me voir au banc des punitions pour me crier des obscénités. J'avais 16 ans, je me bidonnais bien. Je les entretenais, je gardais le feu bien allumé.
Quand ma pénalité s'est écoulée, nous avions eu le temps de faire un deuxième but. En retournant au banc, je ne m'en suis pas réellement aperçu tout de suite, un spectateur de l'équipe adverse m'en voulait tant qu'il avait fait le tour de l'aréna et a tenté de me saisir le bras à partir des gradins. Mon gilet a été tiré vers le public de derrière le banc. Là, les parents de notre club ont sauté dans la mêlée, notre soigneur a grimpé dans la foule, bien assez vite une partie du public se battait avec une autre partie du public. Je vois encore mon père tirer en bas des gradins un jeune homme qui avait tenté de lui flanquer un coup de poing. Les joueurs des deux clubs regardaient tout ça de la glace et du banc. C'était si laid que le arbitres ont interrompu le match et renvoyé les deux clubs dans leurs vestiaires respectifs pour calmer les esprits.  La police était en route vers l'aréna, nos pères (dont le mien) pendant ce temps les croisaient sur la route et fuyaient dans l'autre direction vers Québec laissant quelques femmes sur place qui allait coordonner les lifts de retour pour les joueurs après le match. Notre soigneur, après avoir été caché dans la douche avait quitté aussi, car on se doutait qu'il y avait peut-être des mineurs parmi les bagarreurs amochés du public.
Nous étions, ados testostéronés, si pompés que lorsque le match a repris j'ai marqué les 3ème et 4ème buts, (invitant la foule adverse à m,aduler bien entendu) et nous avons gagné le match 5-4 au bout du compte. J'avais profondément fait la différence dans le match. les joueurs m'en remerciait. "Jones, fucking étincelle! you rock!".

Nous avions 16 ans, c'était un grand moment de notre adolescence sportive. Nous nous disions que jamais plus ne vivrions nous de telles expériences collectives de cette manière.

Naïfs nous étions.

Je suis maintenant dans cette foule comme parent d'un joueur de hockey de 12 ans et je tombe toujours des nues quand je vois le comportement de certains parents dans les gradins. C'est gênant. Mon fils m'a confirmé qu'il n'entend pas plus que moi à son âge le public. Les gestes d'intimidation des parents envers les arbitres, envers les joueurs, envers les entraineurs, envers d'autres parents sont excessivement grossiers. Idiots je dirais même. Le type de choses qu'on penserait voir ou entendre dans des ailes psychiatriques. Ou issu de la gueule d'ados.

Mais comment les blâmer quand on voit que les Bruins de Boston ont adopté cette attitude de matamores depuis quelque années au hockey de la ligue nationale et avec succès. On les as non seulement récompensés pour ça mais en plus maintenant on les protège. L'intimidation est glorifiée chez les pros.

Remarquez Tim Gleason (en blanc) qui ne veut absolument pas se battre avec cette face de cochon sur cette photo. Croyez-moi le gland noir et jaune n'a pas été suspendu.

Certains syndicats et le milieu de la construction ont aussi prouvé par mille que l'intimidation rapporte.

Un ami à moi a baissé les bras et a accepté que sa voiture se fasse défoncer une partie de son pare-choc arrière par le chauffeur d'une compagnie de déblaiement d'entrée il y a quelques hivers quand, en demandant dédomagement, il a été reçu par un barrage de cris et de menaces de la part du chauffeur fautif.

DSK tente d'intimider tout ce qui bouge pour détourner l'attention de ses vices.

Marjorie Raymond, elle, a choisi la mort pour se sortir du bruit. Elle s'était battu avec une fille il y avait moins de 7 jours. Cette fille est en ce moment attérée, elle aussi. Marjorie est morte en partie à cause de l'intimidation.

Peut-être la même qui a fait foncer un jeune garçon sur un gardien de but adverse en 1988.

On dit que le taxage est très présent chez les jeunes.
Nous leur apprenons tous les jours sans le savoir.
Au fond le taxage, c'est un peu nous qui avons grandi.
En leur offrant quelques fois peut-être un modèle moisi.

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