jeudi 16 août 2012

Robert Johnson

Son père, un homme très riche, avait été expulsé de ses propres plantations par des blancs et avait dû se refaire une carrière ailleurs. Sa femme l'avait aussitôt quitté avec ses dix enfants. Robert, était l'un de ceux-là, un bébé, quand ils se sont relocalisés à Memphis vers 1912 chez un certain Spencer dont il emprunterait le nom.

Il avait été très bon élève et se permettait le luxe de s'absenter souvent. Une brillante éducation était un phénomène rare chez les noirs du sud à cette époque. Il avait tant de facilité à l'école qu'il pouvait alors se divertir en jouant de l'harmonica et un peu de guitare. Très attiré par les femmes, il s'était marié à 16 ans mais déjà, le mauvais sort le pourchassait. Sa femme allait presqu'aussitôt mourir en donnant naissance à un enfant qui ne survivra pas non plus. Robert adoptera un temps le nom du nouveau mari de sa mère, "Willis" mais reprendra le nom original de son père alors qu'il découvre son existence.

Il quitte l'école car il a une trop mauvaise vue. Il décide qu'il vivra de sa guitare et de son harmonica. Il marie secrètement Calletta Callie Craft, de dix ans son aînée en 1931. Elle s'occupe de toute son intendance, cuisinant et travaillant pour lui. Ceci laisse beaucoup de temps à Robert pour travailler la musique avec Ike Zimmerman qui lui dit "tu joues très bien de l'harmonica, mais tu fais fuir les gens avec la guitare, contente-toi de l'harmonica". Johnson, irrité, pratiquera la guitare en marchant dans les cimetières la nuit. Quand il revient voir Zimmerman, son mentor, il est épaté et constate que l'élève a maintenant dépassé le maître.

Dans le Mississippi, le vaudou est très présent dans le folklore de l'époque. Johnson est intelligent et s'en sert. Il reprend à son compte une légende du bluesman Tommy Johnson et la modifie légèrement. Le blues est un genre truffé "d'emprunt". Robert, qui prend les intiales de R.L. pour éviter la confusion avec un autre Robert Johnson, musicien, emprunte. (Johnson utilisera jusqu'à 8 alias différent durant sa courte vie).

Johnson réunit quelques amis au coin d'un bois et leur raconte ce qui va devenir sa légende : un soir très sombre alors qu'il se promenait dans les alentours de Clarksdale dans le Mississippi, il se perd à un carrefour. Alors qu'il commençait à s'endormir une brise fraîche le réveille. Il vit au-dessus de lui une ombre immense avec un long chapeau. Effrayé, ne pouvant dévisager cette apparition Johnson resta comme paralysé. Sans un mot l'apparition se pencha, prit sa guitare, l'accorda, joua quelques notes comme pour lui indiquer la manière divine de jouer avant de lui rendre l'instrument et de disparaître dans le vent noir du Sud.

Sa femme le quitte quand elle tombe malade.

À partir de 1932, Johnson visite les grandes villes du sud et se déniche une nouvelle femme à dorloter dans à peu près chacune d'entre elles, utlisant de multiples pseudonymes. Il fait aussi Chicago, New York et quelques villes du Canada.

Les musiciens qui le cotôyaient sont unanimes, Johnson était un bon garçon, relativement normal, sauf lorsqu'on lui plaçait une guitare et un harmonica dans les mains. Il pouvait alors se refermer sur lui-même comme dans une bulle. Parfois il quittait sans dire au revoir. Sa faiblesse restait le whisky et les femmes. Il était parfaitement investi sur son travail de tournée.

Arrivant dans une nouvelle ville, Johnson se plaçait dans la rue, face à un magasin général ou à un salon de barbier, et il jouait , un chapeau à ses pieds, en ittinérance. Souvent , il ne jouait même pas du blues, du standard, du jazz et du country, selon ce que les gens lui réclamaient. Johnson avait cette habileté de pouvoir jouer un morceau de manière identique aussitôt après l'avoir entendu.

Son style sera appelé (beaucoup plus tard) le Delta Blues. En novembre 1936, Johnson jouit d'une certaine célébrité dans la région et souhaite enregistrer des disques comme ses références Willie Brown, Son House ou Charley Patton. Il enregistre 16 morceaux dans la chambre 414 du Gunter Hotel de San Antonio au Texas. Il enregistre tout les morceaux faisant face au mur. Certains disent que c'était parce qu'il était timide, ce serait plutôt une question de qualité de retour de son.

Un an plus tard, alors que ces morceaux vendent plutôt bien, il enregistre à Dallas dans un studio de Warner Brothers d'autres pièces qui génèreront 11 albums dès l'année suivante. Mais Johnson ne se rend pas à l'année suivante.

Un soir d'août 1938, Johnson se gorge d'une bouteille de whisky offerte par une femme près de Greenwood au Mississippi. Sonny Boy Williamson, un ami, lui avait toujours conseillé de ne jamais prendre une gorgée d'une bouteille déjà ouverte. Ce à quoi, Johnson aurait répliqué "Ne m'enlève jamais une bouteille des mains." Il se sent aussitôt mal. Certains estiment qu'il a été empoisonné par un mari jaloux de l'intérêt que Johnson aurait accordé à sa femme(peu probable), d'autres qu'il a succombé à la syphilis ou à une pneumonie (pathologie pour laquelle il n'existait aucun traitement à l'époque), voire à l'action combinée des trois.

Chose certaine le 16 août 1938, Robert Johnson meurt suite à de sévères convulsions. Il n'a que 27 ans. 27...chiffre épouvantable pour les musiciens.

Sur son certificat de décès, sous "cause" on écrit "Faute de docteur".

Sa dernière rasade de whisky avait raison de lui aujourd'hui, il y a 74 ans.

J'ai pensé à lui en prenant ma permière rasade du jour.

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