mardi 4 juin 2013

Clinique Fellini

Monkee est fait en papier. Deux fois il s'est cassé les poignets en 4 ans. Une fois le gauche et la seconde fois le droit. Les deux fois en tombant bêtement dans l'herbe mouillée se soustrayant à quelques mois de masturbation adolescentine. Il s'est aussi blessé aux côtes et au dos en jouant au hockey. Il pourrait se blesser en éternuant.

Lorsqu'il a couché chez ma mère récemment, il s'était relevé le lendemain avec une sorte d'entorse au poignet. J'ose croire que la masturbation n'y est pour rien (chez Mamie! Please!). Nous avons d'abord blâmé la position croche dans la nuitée ou le rêve de lutte avec Jennifer Lawrence se terminait par une position où le corps de Monkee aurait écrasé son propre poignet pendant plusieurs heures. Mais au 5ème jour, alors qu'il ne pouvait faire aucun sport à l'école et qu'il avait sauté deux séances de hockey, alors que le douleur persistait, il fallait faire quelque chose. 

Nous avons donc choisi de faire un séjour à la Clinique Fellini. Parce que quand on va consulter du spécialiste, c'est une vingtaine d'heures qu'il faut se planifier à produire du rien. Il faut éviter l'urgence à l'hôpital car là, on parle en terme de totale innefficacité plus ravageuse encore, on parle de jours et de semaine d'attente.

Sur place, arrivés dès l'ouverture à 7h00 (bien que sur la porte ce soit écrit 8h mais nous étions dans le secret des Dieux) , nous étions 14ème à passer (...pas tout seul dans le secret des Dieux...). Good! seulement 5 heures d'attente! Toutefois, Monkee et moi, après deux heures des deux petits garçons qui n'ont pas cessé de courir en se bousculant et en criant, s'éloignant toujours mieux et avec une énergie renouvelable et solidement vocale de leur mère parfaitement débordée et qui mourra assurément à 31 ans à ce rythme, étions crevés. Nous suivions leurs course comme on suit un match de tennis au niveau du filet. Je venais pour le poignet de mon fils mais là j'avais un peu mal au cou à mon tour.

7 heures plus tard, nous avons vu Docteur Berg qui nous as dit en gros "bah j'sais pas...faudra passer une radio et on verra, revenez demain, parce que là il est trop tard, c'est fermé".

Le lendemain on est arrivé 3ème au matin pour la radio. "Mettez votre feuille de demande de radio dans le panier avec la carte d'assurance maladie" a dit la jeune femme au teint d'Afrique du Nord avant de s'enfoncer dans la salle noire pour prendre les radios. Monkee et moi avons pris place assis à attendre. Et à entendre tous les mots d'esprits que lançait un boomer concupiscent à la jeune fille qui le prenait en photo à moitié nu. Il savourait pleinement le moment. Comme les 5 "clients" suivants arrivaient devant un bureau d'accueil vide, ils étaient plutôt désorientés sur la démarche à suivre. Les deux premiers, je leur ai dit quoi faire: "Feuille et carte, là dans le panier" Au 3ème, je n'étais pas salarié, j'ai fermé ma gueule. On m'a regardé comme si je faillais à la tâche et moi j'ai regardé le con qui me regardait avec les yeux du guichetier d'un métro qui vous dit du regard "avale ta face, imbécile".

On a passé un autre 5 heures sur place avant d'être coincé entre deux malades pour se faire dire par le même docteur Berg mais avec une haleine de scotch cette fois, "Bah j'sais pas...je vois rien sur les radios". Il a dit ça en regardant 4 pieds à côtés de moi.
"Vous...vous nous parler à nous?" ai-je demandé, incertain. Il y avait tout de même un des deux garçons de la veille, de retour lui aussi ce jour-là qui, incontrôlable, s'était faufilé dans la petite salle avec nous sans raison. Et c'est lui que le docteur Berg regardait en disant qu'il ne voyait rien. C'est aussi à lui qu'il a donné la feuille de recommandation de consultation en médecine sportive pour mon fils "au besoin...peut-être possible en 2015 si vous tentez de prendre rendez-vous tout de suite..." avant de se cogner le nez sur la porte fermée derrière lui et de jurer en anglais.

"Mais serais-ce nécessaire selon vous?"
Il a ri et est parti, titubant. Le docteur Berg aime bien le public devant lequel il se produit mais il ne se mêle pas trop au spectapayeur.

Le lundi suivant le gouvernement me rappelerait que je devais payer mon 200$ pour les piteux 'pitaux.

Si au moins ils y vendait des friandises ou nous passait des trilogies sur leurs petites télés toujours fermées...

Je ne pouvais pas avoir une note du médecin pour exempter mon fils de son cours d'éducation physique pour une semaine.
C'était 7$ me disait la fonctionnaire de la santé. Comme toujours j'avais pas un rond. Je lui ai laissé mon livre de John Dos Passos que j'avais payé 7$ en échange du griboullis du docteur, j'étais perdant au change car je la rendais intelligente et elle m'abrutissait.

Quand on a quitté la clinique j'ai croisé un âne tenu en laisse par un nain au gilet rayé bleu et blanc. Deux jongleurs aussi. Un caddy cherchant son joueur de golf et un agent de voyage. Une danseuse cubaine. Un bar, pour le personnel seulement. Et Angus Dundee en personne, les mains pleines.

Une semaine plus tard la douleur le tenaille toujours dans le poignet et, trois nouveaux matchs de hockey sacrifiés et une centaine de dollars de moins dans nos poches, rien n'est réglé.

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