samedi 3 mai 2014

Jean, Gerry, Dolours & Douleurs

1972.

Nord de l'Irlande.
Les Troubles.

Jean Murray était issue d'une famille protestante de l'Ulster à Esat Belfast, mais lorsqu'elle épouse Arthur McConville, un catholique, elle se convertit. McConville était un ancien soldat de l'armée britannique et, dans le tumulte du conflit Nord-Irlandais qui sévit alors, ça suffisait pour faire du couple des indésirables aux yeux de leurs voisins.

Vite intimidés dans le district protestant, le couple, qui a conçu 10 enfants, est forcé de déménager à West Belfast. Presqu'aussitôt, en 1971, Arthur décède du cancer. Un de leur fils est en prison, coupable d'activités officielles de l'IRA.

Celle-ci n'aime pas Jean McConville. L'IRA trouve qu'elle est en excellente position, avec un ancien mari de l'armée britannique, un fils en prison parce pas suffisamment habile avec les missions de l'IRA et maintenant veuve, pour pouvoir choisir de vendre des informations aux britanniques. On la soupçonne d'être une espionne pour les honnis Anglais.

Une rumeur est lancée que Jean aurait soigné un soldat britannique blessé. En Décembre 1972, elle est agressée physiquement dans un Bingo. La nuit suivante, 12 membres de l'IRA, certains masqués, d'autres non, hommes et femmes, se présentent chez elle et la kidnappe devant leurs enfants, impuissants. Elle est propulsée dans l'arrière d'une camionnette, on ne la retrouvera, du moins ce qu'il en reste, que 31 ans plus tard. Elle avait, en décembre 1972, 38 ans.

Avec maman disparue, les enfants ont survécu trois semaines sous la seule supervision de la soeur ainée de 15 ans, Helen. Un étranger est alors venu leur donner la sacoche de leur mère, ses trois bagues, ainsi que les 88 sous (52 pences) qui s'y trouvaient. Les enfants, affamés, ont aussitôt été remis aux services sociaux et dispersés dans les foyers d'accueil. Deux avis de disparitions ont été soumis aux autorités qui n'ont jamais voulu croire que Jean McConville avait vraiment disparue. Préférant la thèse, populaire dans les rues de Belfast à cette époque, que McConville avait laissé tomber le fardeau de sa famille et avait fui pour refaire sa vie avec un soldat britannique. Dès que la thèse de l'enlèvement par des membres de l'IRA a été soulevée, ceux-ci ont nié toute implication...

...Jusqu'en 1999, où une information anonyme de l'IRA suggère qu'elle aurait été enterrée sur la plage de Shelling Hill. Des gardiens de la paix fouillent les lieux, mais sans succès. Une enquête est quand même ouverte, au nom des enfants qui soutiennent fermement avoir été les témoins oculaires d'un enlèvement en 1972.

En août 2003, une tempête s'abat sur la plage de Shelling Hill et le mouvement des eaux déterre le cadavre de Jean McConville que des citoyens découvrent sans le vouloir. Un cadavre qui porte des marques de torture. Une morte à qui on aurait tiré une balle dans la nuque.

En 2004, on confirme que JAMAIS Jean McConville n'a échangé d'informations avec les services républicains britanniques, ni n'en avait même les moyens. De plus, on confirme qu'elle n'aurait pas pu avoir "soigné un soldat britannique" au moment où elle en a été accusée puisque les seuls incidents survenus dans la région où elle se tenait sont survenus trois jours après sa disparition. La police Royale de l'Ulster s'excuse alors formellement de ne pas avoir réagi plus tôt à l'époque.

Entretemps, entre 2001 et 2008, des historiens du Boston College interviewent Dolours Price et Brendan Hughes, deux anciens membres de l'IRA, sur leurs activités sous condition que le tout ne soit révélé qu'une fois les deux activistes décédés. Hughes décède en 2008.
Mais il avait eu le temps de publier un livre où il témoignait que Price était des 12 membres sur place lors de l'enlèvement de Jean McConville. Les enfants confirment, car ils l'ont reconnue, elle était parmi les filles qui tentaient de calmer les enfants. Elle était aussi la conductrice de la camionnette. Price confirme en 2010 et affirme que tout ça avait été exécuté sous les ordres de Gerry Adams, commandant officiel des missions de 1972. Ce que Adams, aujourd'hui Président du Sinn Féin et Teachta Dàla du district de Louth, a toujours nié bien qu'il eût été toujours lourdement suspecté. Dolours Price collabore même avec les autorités pour localiser trois autres cadavres, résultat de leurs missions d'antan.

Dolours Price meurt empoisonnée (hm...) en janvier dernier.
Les interviews de Price et Hughes avec les historiens du Boston College sont alors livrés à la Police Royale de l'Ulster.

Gerry Adams a été arrêté jeudi dernier.

Jean McConville aurait donc été brutalement assassinée, simplement pour avoir marié un républicain britannique, catholique.

Et ses enfants dispersés au quatre vents, souffrant de l'austère ère Thatcher, pour absolument rien.

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