mercredi 24 septembre 2014

Gilles Latulippe (1937-2014)

Juliette Pétrie, Manda Parent, Olivier Guimond, Paul Berval, Michel Noël, Jean Grimaldi, Juliette Huot, Jena Guilda, Rose Ouellette, Gratien Gélinas l'attendaient tous.

Ils avaient besoin de rire.
Ti-Gilles s'en vient.

Depuis hier, l'univers de la comédie au Québec pleure.

Gilles a grandi à Montréal sur la Rouen, dans un appartement tout juste au dessus de la quincaillerie familiale dans Hochelaga-Maisonneuve. Enfant dans fin des années 40, début des années 50, il se colle à la radio et écoute religieusement l'émission Le Ralliement du Rire qui comprend entre autre un certain Marcel Gamache qui sera d'une importance capitale dans sa vie future.

Après 5 ans d'études à l'école commerciale afin de rassurer papa et maman, il se déniche un poste de messager à la discothèque de Radio-Canada où il y travaillera avec un tout aussi jeune Yvon Deschamps. C'est Deschamps, trouvant Latulippe hilarant, qui l'incite à suivre des cours de théâtre. Deschamps encore, le présente à Paul Buissonneau qui lui offrira son premier rôle dans La Bande à Bonneau, un spectacle de la troupe de théâtre en plein air (encore active!) de Buissonneau: La Roulotte. Gratien Gélinas le remarque sur scène et l'engage aussitôt afin de jouer le frère Nolasque dans le classique Québécois Bousille et les Justes.

Dans les années 60, le monde des cabarets est en pleine effervescence au Québec et Latulippe en profitera pleinement. La télévision naissante dans les années 50 et maintenant beaucoup plus créative dans les productions québécoises des années 60, 70 et 80 et lui offrira de grands rôles comiques. La Boîte à Surprise, Le Zoo du Capitaine Bonhomme, Cré Basile, Symphorien, Les Tannants de Chez Nous, Les Brillant, Poivre & Sel et Les Démons du Midi le mettront en vedette sur le petit écran.

Jouant le candide concierge dans la série Symphorien, Latulippe écrit des scènes supplémentaires pour le personnage de Janine Sutto et les glisse à Marcel Gamache pour les inclure dans les épisodes car il sait Sutto en problème financier. La générosité de Latulippe sera sans limite au travers de sa carrière. Une espèce en disparition.

Dans les années 70, le Québec machiste dévoile son plan cinéma "Déshabillez la femme Québécoise".  Latulippe sera des premiers soft porn du Québec. Deux Femmes en Or entre autre. Toujours la part comique. Et un succès garantie pour les réalisateurs qui l'engagent car il a un énorme capital de sympathie auprès du public qui le trouve modeste, sans prétention et hilarant. Tiens-Toi Bien Après Les Oreilles à Papa, Pousse, Mais Pousse Égal, Y a Toujours Moyen de Moyenner et en 2010 dans Cabotins, hommage au Québec burlesque d'Alain Desrochers le mettront en vedette au grand écran.

Prince à capuche de bouffon des variétés, il fonde le Théâtre des Variétés en 1967, situé fièrement sur Papineau entre le Hocheloga-Maisonneuve de son enfance et le Plateau-Royal des artistes. Il en sera le capitaine pendant 33 ans. La même année il épouse Suzanne, sa seule et unique. Idole de Latulippe, Olivier Guimond y jouera souvent dans ce qui deviendra le véritable temple du burlesque. Gilles est si admiratif de Guimond qu'il baptisera son fils Olivier. Son Théâtre sera un véritable masque à oxygène pour plusieurs acteurs et actrices du Québec qui y ont trouvé du travail grâce à lui. Engraissant un capital de sympathie à même le milieu du spectacle au Québec auprès de quelqu'un qui en avait déjà énormément.

Son Théâtre des Variétés ferme ses portes en 2000 et Gilles se consacre alors au théâtre d'été où sa seule présence sur scène, même muette, attise les rires. Le Théâtre des Variétés est racheté et devient une salle importante pour les spectacles de musique francophone et pour la scène underground. Afin de rendre hommage à ce monument de la comédie les nouveaux propriétaires ont la classe de baptiser l'endroit LaTulipe en son honneur.
Depuis 10 ans, Latulippe était acteur et directeur artistique du théâtre du Centre Culturel de Drummondville.

Généreux, drôle et tout ce qu'il y a de plus humble, Gilles Latulippe était un véritable gentilhomme du monde artistique Québécois.
Après avoir fait pleurer de rire une partie du Québec, celui-ci le pleurera encore quelques jours.

Je retiens de lui ce remerciement doux-amer de sa part lors d'une remise de prix, offert par les journalistes.

"Je me sens un peu comme la statue reçevant un prix des pigeons qui lui "font" dessus"

et à propos du cancer qui l'emportera:
"je suis pas inquiet, c'est toujours les meilleurs qui partent en premier"

Merci la vie pour Gilles Latulippe.
Le Québec se souviendra de toi.

Et le ciel avait besoin de bonnes blagues en haut parce que le spectacle en bas des fois...






 



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