mercredi 10 septembre 2014

La Plume de Françis Ford Coppola

FFC n'a pas été que réalisateur ou producteur.

Il maitrise aussi un art noble: l'écriture.

Regard sur ses scripts.

"A Sort of Tender Curiosity"*

1962: Tonight For Sure.
Avec son ami Jeff Shaffer, FFC écrit un western légèrement cochon puisqu'il y inclus des scènes de femmes nues sur scènes tournées pour un porno qui n'a pas trouvé preneur. L'histoire raconte la rencontre entre deux hommes, un agressif mineur du désert et un dandy de la John Birch Society qui se découvrent l'un et l'autre dans un saloon afin de commettre un crime qui exorciserait toutes leurs doléances contre la société.

1962: The Bellboy & The Playgirls.
Fritz Ugetler et Jack Hill réalisent principalement ce film racontant l'histoire d'un commis d'hôtel voulant devenir détective et qui doit espionner chez les effeuilleuses. FFC est engagé afin d'en écrire l'histoire et les dialogues car à la base on ne voulait qu'un prétexte pour film de fesses. FFC tourne aussi quelques scènes en 3D, de femmes nues, afin d'épicer le tout.

1963: Dementia 13.
Ayant travaillé au son du dernier film de Roger Corman, FFC lui emprunte les comédiens et reçoit la commande de Corman d'écrire quelque chose dans l'esprit de Psycho. FFC fait bien ses devoirs car le film gothique et parapsychologique racontant l'histoire d'une jeune femme cachant la mort de son mari et tentant de mettre la main sur l'héritage de sa belle famille qui compte tout laisser à leur fille morte est suffisamment noire pour susciter l'attention.

1966: You're a Big Boy Now.
Avec l'attention suscitée par Dementia 13, on accorde à FFC la chance d'adapter le roman de David Benedictus dont Warner a obtenu les droits en 1963. L'histoire d'un jeune homme placé face à sa vie d'adulte dans une société en perpétuel changement dans les swinging sixties est un succès avec l'inclusion de musique dernier cri, des nouvelles tendances des jeunes et des attitudes sociales toutes fraiches. Coppola est une saveur du jour.

1966: Is Paris Burning?.
La co-production franco-étatsunienne adapté du livre de Larry Collins et Dominique Lapierre traitant de Paris occupée pendant la Seconde Grande Guerre sera co-écrite avec Gore Vidal. René Clement réalise le film. Coppola s'intéressait déjà au Vietnam, il plonge ici une première fois dans la WW2.

1966: This Property is Condemned.
FFC adapte Tennessee Williams pour la caméra de Sydney Pollack.

1969: The Rain People.
FFC écrit tout seul l'histoire d'une femme choisissant de prendre une pause de son mariage et qui fait la rencontre de deux hommes. Le premier, joué par James Caan, se prénomme Killer ce qui n'inspire guère confiance à la jeune femme. Le second, joué par le co-chambreur d'alors de Caan, Robert Duvall, est un policier patrouilleur solitaire des grandes routes. Le script est salué pour son côté féministe, la errance du personnage féminin rappelant les errances les plus célèbres de Huckleberry Finn à l'homme à l'harmonica en passant par Holden Caulfield. Coppola ouvre une nouvelle porte...

****
"One of those rare smiles with a quality for eternal reassurance in it, that you may come across four or five times in your life"*

Premier Sourire :1970: Patton.
Animé par son expérience à explorer la Seconde Guerre Mondiale en 1966, FFC sera toujours intéressé par les conflits guerriers, Le Vietnam fait rage et il a envie d'y faire référence, mais ça attendra. Pour le moment, on l'engage afin d'adapter la biographie du coloré général de la Seconde Grande Guerre en compagnie du scénariste Edmund H. North. Ils le font si bien qu'ils raflent l'Oscar du meilleur scénario aux Oscars l'hiver suivant. Franklin J, Shaffer réalisera le film qui donnera aussi l'Oscar du meilleur acteur à son principal protagoniste George C.Scott. Crédibilité dans le tapis pour Frankie.

Second Sourire: 1972: The Godfather.
Ce sera toute une saga et pas une expérience totalement agréable qui mènera FFC vers ce chef d'oeuvre. Les nombreuses batailles afin d'imposer son casting, d'imposer son époque (les années 40, le livre de Puzo traite plutôt beaucoup des années 20-30), le lieu (les studios voulaient que l'action se passe à Kansas City!) et les nombreuses présences "particulières" sur le plateau de tournage rendent l'expérience un douloureux souvenir. Coppola s'en tire en négociant le droit à la réécriture, ce qu'il fera avec brio et intelligence. Film immense.

(Il aide secrètement son ami Syd pour un film avec Redford pour qui FFC écrit déjà aussi)

1974: The Great Gatsby.
Truman Capote devait d'abord adapter le classique de F.S.Fitzgerald mais c'est à FFC qu'on passera finalement les rênes. Un britannique, Jack Clayton, est à la réalisation et c'est la fidélité de l'esprit et de l'oeuvre du grand Fitz qui fait de Coppola une valeur sûre à l'écriture. FFC habite la maison de F.Scott Fitzgerald quand il prend le relais de Capote.

Troisième sourire: 1974: The Conversation.
FFC a accepté de faire une suite au giga succès du Godfather à la condition qu'il puisse avoir carte blanche sur un projet plus personnel et le contrôle absolu sur la suite du Parrain. Le film mettant en vedette un brillant Gene Hackman raconte l'histoire (écrite par FFC vers 1968)d'un technicien du son surprenant une conversation auquel il n'aurait jamais dû prêter oreille. Fameux film ouvertement inspiré du Blow-Up de Michelangelo Antonioni mais placé dans l'univers du son. Ce dernier, le son, est utilisé avec une intelligence rare, ce qui fait du film un véritable chef d'oeuvre.

Quatrième sourire: 1974: The Godfather Part II.
FFC fait table rase aux Oscars avec une suite encore meilleure que le film original (phénomène plus que rare). La famille sur le point d'éclater, l'ascension de Micheal, les racines de Vito...tout dans ce film est un cour sur la narration cinématographique. FFC devient roi avec ce film.

Cinquième sourire: 1975 à 1979: Apocalypse Now.
John Milius avait commencé l'idée de l'adaptation de la nouvelle Hearts of Darkness de Joseph Conrad transplantée dans le conflit des États-Unis avec le Vietnam. Le script du film d'abord appelé The Psychedelic Soldier sera travaillé pendant 10 ans. L'expérience de tournage est un tel traumatisme pour Coppola qu'il ne s'en relèvera jamais complètement. Mais le film est un chef d'oeuvre. Ce n'est pas un film. C'EST la guerre. (pour reprendre ses propos à Cannes où il gagne la Palme d'Or)

*****
" The loneliest moment in someone's life is when they are watching their whole world fall apart and all they can do si stare blankly*"

1982: One From The Heart.
FFC ne sera plus jamais l'ombre de lui-même. Ce film à lui seul lui coûte facilement 8 ans de carrière. L'histoire d'un couple de Las Vegas qui choisit leur cinquième anniversaire de mariage pour se séparer et commencer à vivre de nouvelles aventures ne trouve pas son public. Bide commercial et gouffre financier. Le fait que ce soit aussi un film "musical" n'aide en rien. Même Tom Waits parait peu inspiré.

1983: Rumble Fish.
Seconde adaptation la même année de FFC d'une nouvelle de la jeune S.E.Hinton. Pendant le tournage de The Outsiders, il la prend avec lui les weekends et développe cette histoire de petit frère largement inspiré par son plus grand frère. Françis s'inspire aussi directement de sa relation avec son propre frère Augusto. Beau Film. Touchante histoire. Intéressante utilisation de la photographie.

1984: The Cotton Club.
Largement endetté parce qu'il a choisit de faire son film de 1982 avec son argent (il a créé sa propre compagnie de films, American Zoetrope) FFC, déjà engagé pour co-scénariser avec Mario Puzo l'histoire du célèbre jazz club de Harlem dans les années 30, accepte aussi de réaliser quand Bob Evans est trouvé incompétent pour le faire. Autre bide de plus de 30 millions.

1989: New York Stories.
Le court-métrage co-écrit avec sa fille Sofia sera celui du milieu dans ce trio de court-métrage mettant en vedette la ville de New York. Le film du milieu comme dans "on commence fort, on finit avec un bang! et on glisse l'autre entre les deux...

1990: The Godfather Part III.
Les dettes de Coppola le font retourner à ce qui avait fait sa fortune. La troisième portion de la saga Corleone, encore co-scénarisée avec Mario Puzo, devait s'intituler The Death of Micheal Corleone afin de bien marquer la différence d'avec les deux premiers. Le film fait fortune, mais on en retiendra peu de choses intéressantes.

1997: The Rainmaker.
FFC adapte le roman de John Grisham. Avec Matt Damon et Danny DeVito. Non mémorable.

2007: Youth Without Youth.
FFC adapte l'auteur roumain Mircea Eliade dans une méditation sur le temps et la conscience, une trace d'illusion, mais aussi une belle histoire d'amour.

2009: Tetro.
Le film noir tourné en Argentine raconte la rivalité artistique entre deux frères d'une famille italienne. Auto bio? Sortie en salle limitée et pratiquement confidentielle. Sobre mais aussi terne.

2011: Twixt.
Quand Coppola fait un cauchemar un soir, il choisit aussi d'en développer un film d'horreur mettant en vedette Bruce Dern, Elle Fanning, Val Kilmer, Joanne Whalley et Ben Chaplin.  

"So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past*"

Me suis acheté The Great Gatsby, version 1974 de Jack Clayton, adapté par Coppola pour un ridicule 2,50$




*Les 4 citations en italiques sont de F.S.Fitzgerald dans The Great Gatsby.


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