vendredi 14 novembre 2014

Jacques Bertrand (1953-2014)

En Hiver 1997, j'étais étudiant dans une école de cinéma spécialisée de Montréal. Nous allions tourner dans les décors de l'émission 4 1/2 une série télé en pleine tempête de verglas moins d'un an plus tard.

Durant l'été 1997, Jacques Bertrand, 36 ans, se faisait demander par ses patrons de la radio de Radio-Canada de présenter une idée d'émission "suffisamment impertinente pour attirer les jeunes sur leur station".

Cette émission, débutée dans la chaleur d'août 1997, s'appellerait Macadam Tribus et serait un délice pendant 12 ans. Jacques Betrand et son équipe commentaient l'actualité et les faits de sociétés en utilisant des observations intelligemment cyniques, pleines d'humour et souvent très révélatrices. En plus de laisser beaucoup d'espace à la musique émergente et aux nouvelles tendances, Bertrand et son équipe nous amenaient souvent là où on ne s'y attendait pas et jetaient un regard nouveau, effectivement jeune et rafraîchissant, sur des sujets très actuels ou encore en revisitant un moment du passé sous un nouvel angle.

Le blogue que vous fréquentez en ce moment doit beaucoup à Jacques Bertrand.

Sa voix, toujours posée, trahissant un calme et une intelligence curieuse, était le parfait trait d'union entre un intervenant et un sujet légèrement éclaté qui menaçait de faire du hors piste dans la fragile montagne Radio-Canadienne. Mais le hors-piste pouvait être sécuritaire. Et avec Bertrand, on était toujours en terrain de confiance.

Une émission comme Infoman est cousine du type d'émission que Bertrand et son équipe ont produit durant ses années. Après 12 ans à la barre du show, qui a un temps été diffusé le samedi soir, me faisant rester dans la voiture quelques fois démesurément longtemps avant de me rendre à une sortie, les patrons de Radio-Canada rebrassaient leurs cartes et, gardant un micro pour l'unanimement apprécié Bertrand, lui offrait une autre Macadam Tribus, rebaptisée  La Tête Ailleurs.

L'humour pince-sans-rire, sa voix et sa chaleureuse présence, son intelligence je le répète, et ce ton jamais condescendant alors que certains sujets auraient pu s'y prêter, étaient encore au rendez-vous. On aurait cru que Macadam Tribus n'avait jamais quitté les ondes.

La vérité c'est que Jacques Bertrand, et tout ce qu'il inspirait autour de lui, créait encore ce parfait équilibre entre information, humour, partage de connaissance et fine curiosité.

Sans le suivre religieusement, un peu comme une bonne chanson fait toujours son chemin aux oreilles de ceux qui aiment la musique, je tombais toujours sur La Tête Ailleurs.

Même la nuit, en reprise.

C'est con, chaque fois que, de jour, j'allais chercher du poulet au service à l'auto d'un resto populaire près de chez nous, je tombais sur l'émission. Nous devons commander toujours le même soir vers la même heure. Vendredi soir ou samedi soir ou dimanche soir. Je ne sais pas quand est diffusé La Tête Ailleurs, mais je soupçonne que c'est dans ces territoires là.
Je ne pourrais jamais vous parler de la rapidité du service à l'auto de ce resto car JAMAIS le temps ne m'a paru long. J'avoue du même coup être aussi resté dans la voiture parfois trop longtemps dans l'entrée chez nous, le poulet à mes côtés, afin de rester à l'écoute plus longtemps d'un moment fort intéressant.

Éveillant l'impatience de mes proches qui attendaient le poulet.

Depuis juin dernier, c'est Stéphane Garneau qui a inexplicablement pris le relais de l'émission. Expliquant sans trop de détails que Betrand quittait pour mieux récupérer suite à des problèmes de santé.

Je ne suis pas certain que l'on mesurait la gravité de la chose.
On avait tous la tête ailleurs.

Bertrand étant d'une discrétion exemplaire sur sa personne a gardé le silence radio sur sa situation.

Mais depuis hier, ce sera silence radio tout le temps.

Jacques a poussé son dernier souffle sur cette terre.
À 61 ans.
On entendra dorénavant sa jolie voix post mortem.

Merci la vie pour Jacques Bertrand,
Grand Jacques.
Maudit bon Jack.
Tu nous manqueras.

La délinquance intelligente perd un des siens.

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