jeudi 9 avril 2015

Ce Que Eyes Wide Shut Nous Cache (et Nous Révele Peut-Être Aussi) -Troisième et Dernière Partie

Stanley Kubrick était très intelligent, mais aussi très secret.

Il ne sera jamais clair si il était secret par choix ou si on l'avait forcé de se taire sur certains sujets.

 Si vous avez vu le dernier film de Kubrick, film auquel il n'a pas survécu et qu'il jugeait son plus accompli. peut-être que les observations des trois derniers jours mettront en lumière différemment un film dont vous n'aviez peut-être pas compris toute les subtilités.

Eyes Wide Shut mettait vedette le couple de l'heure en 1999 : Tom Cruise & Nicole Kidman. C'est aussi tout ce qui se déroulait autour de ces deux êtres au quotidien que racontait l'histoire de Kubrick. Le souci maladif du détail de Kubrick, son symbolisme, trop évident pour ne pas être volontaire, donne une toute autre dimension à ce film qui ne peut être compris...si on garde nos yeux bien fermés...

Dernière partie de trois chroniques sur ce qui est caché, mais pas complètement, dans Eyes Wide Shut.

La montée du Kundalini:
Le Concept de magie au travers de forces transférées a comme origine de très anciennes pratiques rituelles. Ses traces peuvent être situées dans l'hindouisme, le taoisme et dans les sociétés secrètes médiévales comme l'Ordo Templi Orientis d'Alisteir Crowley.
Le principe de base est simple, on prétend qu'en provoquant la montée du Kundalini, ce qui veut dire la montée d'une force énergétique importante, cette énergie pourrait donner des pouvoirs magiques.
La magie noire de nos jours exigent dans sa logique tordue, qu'une vie soit sacrifiée afin d'en soutirer l'énergie vitale et se l'approprier. Le logo représentant cette magie tantrique n'est pas sans rappeler la tête choisie par Marie-Hélène de Rothschilds en 1972 pour sa soirée tel que présentée hier.

Tout ça n'est pas directement évoqué dans Eyes Wide Shut. Kubrick a toutefois dessiné son film comme un entier rituel. Une quête spirituelle et sexuelle de Bill de 159 minutes.

Alors que le film semble à propos de la sexualité, personne à aucun moment ne semble atteindre l'orgasme. Bill, bien que face à de multiples chances de faire l'amour, ne se compromet jamais, et gère ses envies sexuelles avec retenue. Même quand il flirte très fortement avec la co-loc de Domino. Ceci est au coeur des principes de la magie tantrique.  Plus le film avance, plus il revisite le fantasme d'Alice mentalement. Ce fantasme est progressif, de simples baisers, quelques attouchements, fornication imaginée tardivement dans le film par Bill. Seulement quand il est "chargé" sexuellement. Au point de vouloir faire l'amour à une parfaite étrangère (la co-loc, rousse, on y reviendra à cette couleur) qu'il vient tout juste de rencontrer.

La toute dernière ligne du film met un terme à cette construction d'excitation sexuelle qui s'est chargée pendant 1 heure 58 et 30 secondes:
Alice: "I do love you. And you know, there is something that we need to do as soon as possible"
Bill: "What's that?"
Alice: "Fuck"

Finir sur une telle note suggère une montée en intensité sexuelle qui aura frayé avec le plaisir et la douleur, l'attirance et la répulsion, la gloire et l'humiliation, la vie et la mort, avant de culminer dans un orgasme chargé de magie, le but d'Alisteir Crowley dans sa magie pratiquée.

Freud parlait d'ERos et de Thetanos. Eros étant  l'amour, la sexualité et la vie, Thétanos l'instinct d'agression, de cassure et de mort. Eros visant la reproduction de l'espèce et Thétanos sa destruction ultime. Chaque rencontre féminine de Bill dans le film présente Eros et Thetanos.
Quand Bill rencontre des patients dont un proche vient tout juste de s'éteindre, la femme endeuillée embrasse Bill en lui confessant secrètement avec fragilité qu'elle "l'aime" de manière inappropriée. Eros. Son mari est tout juste à côté. Thetanos. Pas de luxure possible pour Bill.

Chaque fois que Bill est en contact avec les abjects abus physiques (comme la prostitution ou l'esclavage), il en découvre le côté sombre aussitôt. Par exemple quand le propriétaire russe du magasins de masque et costume Rainbow est tout d'abord outré de découvrir sa fille avec deux asiatiques, puis change d'attitude et est prêt à "louer" sa fille. mineure, à Bill si il le désire. Comme une esclave Beta de l'autre côté de l'arc-en-ciel.
Bill fait continuellement face à la primitivité du désir, aussitôt déconstruite par les barrières sociales qui nous entourent. Il n'y a rien de plus naturel que d'avoir des pulsions sexuelles, même les animaux, qui ne gèrent pas leur cerveau comme nous, en sont porteurs, mais notre monde moderne et complexe a fait naître des fétiches, des distorsions, des déviations, des jeux malsains et des perversions venues trafiquer le besoin premier qui était de procréer et de se faire du bien (ou les deux). L'obsession est devenue parfois malsaine.

Alors que Bill erre de rencontre en rencontre, il semble il y avoir un point commun...

La femMe aux cheveux roux:
Les 4 femmes les plus importantes rencontrées par Bill dans le film sont sa femme Alice, sa fille Helena, Amanda Curran, l'esclave Beta sacrifiée au rituel et qui avait failli overdoser dans la salle de bain de Ziegler et la prostituée Domino. Elles sont rousses.

Alice est une respectable femme de milieu privilégié, elle a un côté largement superficiel dans une relation qui semble sans amour. Comme une prostituée avec son client. En revanche, le temps que passe Bill avec la vraie prostituée, Domino, est tendre, simple, pratiquement "cute", comme les échanges que l'on a entre amoureux. Mari et femmes. Alice n'est donc pas complètement différente de Domino et vice-versa.

Amanda est aussi liée à Alice. (A & A). Bien qu'Alice n'était probablement pas au rituel du manoir, elle se réveille le lendemain en racontant son rêve qui se trouve à être ce qu'Amanda a probablement vécu cette même nuit... Le masque se trouve à quelques pouces d'elle quand Bill revient au lit. Y était-elle? Sait-elle ce qui s'est passé? Est-ce un avertissement de la société secrète? Nous ne le saurons jamais, on y reviendra pas dans le film. Mais Alice a "connecté" avec Amanda en rêve cette même nuit.

Vous savez ce qu'est aussi un domino?
Ce masque ici à gauche. Domino était-elle aussi au rituel? Quand Bill veut la revoir, sa co-locataire lui dit qu'elle était porteuse du VIH et qu'elle ne reviendra peut-être jamais à l'appartement. Une autre fatalité post-rituel? Nick Nightingale disparaît aussi.

Mais restons avec les femmes. Comme elles sont toutes reliées ensemble par quelque chose (Helena par le sang avec sa mère), l'exploration de Bill durant le film est une exploration du principe féminin dans son entièreté.

Kubrick s'interrogeait aussi sur sa propre femme et sur sa propre fille.

Toutes deux rousses.

Helena:
Il existe des liens unissant aussi Helena, la fille de Bill & Alice à Domino, la pute. Il y a une poussette devant l'appartement de Domino et dans le magasin à la toute fin, Helena se montre très intéressée par une poussette et le montre à sa mère.
De plus, le symbole de l'esclave Beta est le tigre. Googlez beta slave logo dans google images vous tomberez sur du tigre ou du tigré partout. Sur le lit de Domino se trouve un tigre en toutou (voir photo plus haut). Dans la dernière scène au magasin, une rangée complète de tigres en toutou sont très visibles.
Tout aussi visible et étrange sont les deux hommes derrière. Ces deux figurants, on les retrouve au party de Ziegler en début de film. New York est-il si petit? Kubrick était à cours de figurants? Naaaaah! trop perfectionniste le Stan. Pourraient-ils être chargés de suivre Bill et sa famille par la société secrète? Quand les deux hommes quittent la scène, Helena semble les suivre. On ne la verra plus du film. Kubrick a perdu sa fille aux mains de la secte de l'Église de scientologie. Bill & Alice sont trop absorbés par eux-même et ne réalisent pas qu'elle n'y est plus. On zoom sur leur face à face et le film se terminera abruptement sans que l'on sache si, peut-être, Helena est perdue.

Si seulement elle est perdue.
(Il faut aussi prendre quelques passage à la légère)

Les films de Kubrick ne sont jamais ce qu'ils semblent être, Eyes Wide Shut transcende l'histoire personnelle et devient un commentaire sur notre époque. La position transitionnelle entre le 20ème et le 21ème siècle n'était pas non plus anodine. Kubrick nous as raconté dans son tout dernier film l'histoire d'un homme confus cherchant désespérément à combler ses besoins instinctifs dans une société déracinée et corrompue par des forces cachées où la simple humanité a été fétichisée, dévaluée, pervertie et exploitée au point que le désir en a perdu sa beauté. Au sommet de ce nouveau monde, une société secrète détachée du monde réel.

Berlusconi, Ben Ali, DSK, Mosley, Kirchner, Arbaca,  etc.

Kubrick nous racontait l'histoire d'un homme qui semble tout avoir, mais qui a un vide à combler. Il ne se sentira pleinement accompli que lorsqu'il n'aura fait qu'un avec le sexe féminin. À ce moment, le principe chimique ésotérique et tantrique sera total. C'est ce qu'il nous communiquait dans la fin de son film, dans cet échange entre deux êtres relativement égocentriques et superficiels,

Notre monde en général préfère garder les yeux bien fermés sur ces choses.

Stanley est soudainement décédé 5 jours après avoir complété le montage final de son film.

Les yeux bien fermés.

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