dimanche 29 novembre 2015

Sauver La Bine

C'est fou ce que l'on vit des bouleversements par les temps qui courent.

Notre chatte, Bottine dite "la bine" a 19 ans.
Elle n'est jamais dans la forme de ses jeunes années, mais elle se débrouille fort bien depuis toujours.

Jusqu'à mardi dernier.

Mardi dernier commençaient nos rénovations de la salle de bain, salle unique (de deux) comprenant une douche dans la maison. Monkee se débrouille en allant se doucher au gym ou après ses matchs/pratiques de hockey, mais Punkee, l'amoureuse et moi nous lavons les cheveux dans l'évier et le corps à la débarbouillette.

Des rénovations, ça bouscule toujours un petit univers. Et là, les rénovations sont plus que des rénovations, c'est une reconstruite totale de la salle de bain d'en haut. avec déplacement du bain/douche de l'Est au Nord, du bol de toilette de 5 pieds à l'Est et de l'évier & miroir du nord au Sud. Plusieurs employés s'y affairent depuis mardi dernier. L'amoureuse capote que ces gens ne soit pas capables de travailler sans laisser de traces.

Ça, je l'avais prévu. Je connais l'amoureuse depuis 23 ans, je sais qu'elle ne comprend pas encore l'expression "on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs".

Ce qui était moins prévu, c'était la réaction de notre chatte, Bottine (dite "la bine").

Son repère, lorsqu'elle est paniquée, est généralement de se terrer dans le garde-robe de notre chambre à coucher. Elle panique toujours pour les mêmes trois raisons. La présence de gens marchant avec des souliers, le bruit ou la présence d'étranger. Les trois conditions étant nettement réunies, mardi dernier, Bottine a paniqué ferme. D'autant plus que la salle de bain en démolition/reconstruction se trouve adjacente à notre chambre à coucher, donc, pas question d'y loger notre Bine pour soigner ses craintes.

On a placé sa litière dans la salle principale du sous-sol, puis ses plats de manger mou et d'eau. On a eu beau lui expliquer qu'il était inutile de vouloir remonter, 4 employés puant la cigarette et jouant de la drill s'y trouvant, que le sous-sol où je la protégeais était son havre de paix, elle ne voulait rien comprendre. Allez raisonner une chatte de 19 ans, vous! Elle était déterminée à remonter vers son refuge (dont l'accès était bloqué par une motte d'outillerie de toute manière).

Ces rénovations tombaient bien, elles commençaient alors que j'enlignais trois jours de congé collés. Phénomène rare.

Elle a passé la première journée dans le sous-sol en ma compagnie alors que je l'ai brossée de sa brosse préférée, là faisant ronronner au bout de deux heures de réconfort. Quand je l'ai vu se rendre à la litière. forcer et en resortir en poussant un drôle de miaulement, mon attention a été reportée sur elle. Non seulement, elle n'avait pas réussi à sortir quoi que ce soit de son arrière train, mais des taches de sang pistaient sa route hors de la litière sur le tapis du sous-sol.

Ça m'a inquiété, mais je ne voulais pas troubler toute la maisonnée et n'en ai parlé que tard le soir et seulement à l'amoureuse. Inquiète de nature à son sujet (pour trois d'entre nous c'est Bottine la bine, pour elle c'est "pauv'tite Bine")elle n'a pas aimé du tout.

Elle avait raison, le lendemain matin, Bine vomissait son repas du matin et pissait du sang partout. Surtout sur les tapis qu'elle recherchait. Quand j'ai été chez le vet, la vet a choisi de la garder afin de lui prendre un échantillon d'urine. C'était une réaction idiosymptomatique liée au stress de la présence des ouvriers. Sa vessie avait gonflé de l'intérieur, pétrissant les muscles utérins, l'empêchant d'uriner proprement.  Elle a passé la journée là-bas et ce fût bien car les ouvriers ont fait un tapage nettement plus bruyant qui a épargné son petit système nerveux animal.

Idiosymptomatique c'est un mot qui cache une ignorance du problème.

La vet nous as fait un laïus (les deux enfants ont tenu à venir avec moi) interminable et lancé sans respirer comme Alessia Care chante. Elle en était étourdissante. Ce qui m'a laissé croire qu'elle était encore plus nerveuse que nous l'étions, n'étant pas certaine de son diagnostic. Les enfants n'y ont vu que du feu, mais moi j'étais toujours inquiet. J'avais le curieux pressentiment que la vet était surprotectrice et foncièrement trop prudente dans ses recommandations. Elle m'a fait acheter du Piazédram coupé en 4 (parce que très fort) à donner 2 fois par jour pendant 4 jours, et du Bipuprohène liquide à lui administrer en bouche en minime quantité trois fois par jours pendant 3 jours, puis 2 fois par jour les deux derniers jours.

Quand elle est revenue à la maison, Bine était heureuse et rajeunie.

Le lendemain matin, administration des deux remèdes. Puis, à peine 20 minutes plus tard, la voilà prise de très lourd vertiges et d'importantes pertes d'équilibre. Devant Punkee, devant l'amoureuse, devant Monkee, devant moi, avant même que les ouvriers ne viennent l'achever avec leurs grosses bottes et leur bruit.
Voulant se rendre dans son refuge de réconfort dans le garde-robe de notre chambre, elle monte sur deux pattes, les deux d'en avant sur la porte fermée de la chambre et tombe sur le dos quand les deux pattes du bas ne tiennent pas son maigre poids.

Spectacle épouvantable.

Punkee quitte pour l'école le coeur lourd, école où elle a surement pleuré puisque ça coïncidait avec un exposé sur quelque chose qui leur était cher et qu'elle avait apporté une carte de hockey représentant mon père (son grand-père) décédé alors qu'il fonçait dans la vie comme un train dans le mur qui l'a freiné à 62 ans, habillé en joueur de hockey. Fragile journée pour mes bébés.

L'amoureuse a pressé tout le monde de donner beaucoup d'amour à Pauv'Tite Bine avant de partir à l'école, qu'il fallait se préparer au pire. J'étais personnellement convaincu du pire puisque deux de mes amis m'avaient parlé de graves déséquilibres quelques minutes/heures/jour avant la mort de leur chat. Monkee a beaucoup tardé avant de quitter, quittant finalement en larmes. Quand j'ai vu mon grand dans cet état j'ai dû me moucher moi aussi. L'amoureuse a été la plus forte, du moins publiquement. Elle m'a avoué par la suite qu'elle avait pleuré et la veille au boulot et le jeudi du deuil qui se dessinait.

Les trois autres partis, c'était moi qui restait seul avec la Bine. Et ce sont cette fois 7 ouvriers qui se sont pointés pour la salle de bain.

J'ai tenue Bine dans mes bras de très nombreuses fois, l'ai cajolée sans arrêt, lui ai gratté derrière les oreilles, dans le cou, les reins, l'ai brossé, n'ai cessé de lui parler comme on borde un mourant.

De toute manière, c'est exactement ce que j'avais l'impression de faire, border une mourante.

Quand j'ai recontacté la clinique vétérinaire pour savoir si les effets secondaires auxquels on ne m'avait pas préparé était normaux, c'est un autre vet qui m'a rappelé.Un vet qui m'a confirmé mes appréhensions de la veille.

""idiosymptomatique" c'est un grand mot qui veut en fait dire qu'on ne sait pas parfaitement d'où vient le problème et que ça peut être ben des affaires. Mais ne vous inquiétez pas, son soudain grand appétit est normal, ce qui l'est moins ce sont ses pertes d'équilibre, laissez tomber les pilules et donnez lui seulement le remède liquide, On s'en reparlera dans quelques jours. Tout devrait bien aller."

En effet, la Bine a repris son équilibre.
Trois heures trop longues plus tard, mais elle est redevenue elle-même.

Les rénovations sont toujours trop longues, la Bine est toujours têtue à vouloir remonter au coeur de la tempête, mais elle tient bon.

Elle a une famille aimante.
Vieillie.
Épuisée.
Son jour peut maintenant arriver.
On l'a déjà pleuré.

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