mercredi 30 décembre 2015

La Marmite C

1985-1986.

Je suis en secondaire II.

En secondaire I, nous sommes tous passablement sages. Mais notre classe, Secondaire 1-E est la plus tannante. C'est la seule qui a eu des élèves qui ont été expulsés de leur classe au moins plus d'une fois et qui ont subi des retenues le samedi matin. Parmi ces élèves: moi. Mais pas Raymond Fillion, celui de la télé, que l'on croit légèrement attardé car son humour est nettement trop poche. Il a de plus un statut particulier, c'est le fils du directeur gérant des Nordiques de Québec et actuel préfet de discipline de la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec, Maurice Fillion.

Ce secondaire I, on a beaucoup trop de fun. On sait qu'en secondaire II, on démantèlera ce groupe.

ET BEN NON!

On fait une double erreur. Non seulement, on garde la plupart du groupe de mongols que nous sommes ensemble, mais en plus on y rajoute facilement entre 3 et 5 nouveaux éléments d'autres classes, les plus excités eux aussi. Cocktail explosif inévitable.

Quand on découvre que notre classe de Secondaire II C est la seule des 5 classes de niveau à se situer dans les escaliers menant aux étages, on comprend qu'on a réuni les éléments les plus dissipés dans la même classe et qu'on les as isolé pour mieux les contrôler et les empêcher de contaminer les autres classes.

Quelle erreur titanesque.

On allait placer les ingrédients les plus explosifs ensemble et l'ébulition mènerait à l'explosion.

Cette année, qui fera légende dans cette école, sera notre préférée à vie, notre plus intense.
Et leur cauchemar absolu.

Je serai personnellement promptement expulsé de cette école à la fin des classes, et ce, même si le seul motif d'expulsion de l'époque devait être de ne pas être en mesure d'obtenir des notes scolaires acceptables. Problème, j'ai d'excellentes notes. À ce niveau, je ne suis pas expulsable.  Mais j'ai aussi mis le feu dans mon bureau, ce que tout le monde et son frère me rappelle depuis 30 ans.

C'était bête. Morrissette craquait une allumette dans son pupitre et ça puait et indisposait les gens autour. Puis Giguère (le cool) faisait semblant de pêter et craquait à son tour une allumette, laissant croire pendant une fraction de seconde que cette odeur soudaine de souffre venait de son cul. Puis Bédard faisait de même et O'Neill et Jones...mais Jones, voulant être créatif j'imagine, mettait aussi le feu à petit bout de papier qui allait rouler dans le pupitre sur tous les bouts de papiers qui traînaient au fond du bas de pupitre et créer un mini incendie dans son pupitre. Ce que je ne voulais pas.

"Monsieur...Monsieur! AU FEU" avait dit Giguère (le nerd) à mes côtés.

"Mais non, mais non..." que je tentais de tempérer en me collant au bas de pupitre pour en cacher la fumée qui sortait mais qui du même coup me faisait mettre les deux coudes sur un pupitre de plus en plus brûlant. En soufflant dessus pour l'éteindre j'ai fait pire et bientôt la classe était évacuée. Et mon sort en fin d'année scellé.

Dans cette classe-laboratoire, on ferait pratiquement exploser l'école. Classe avec fenêtre donnant accès à un toit. si il fallait qu'un prof tarde à se pointer en classe, on avait le temps d'y embarrer un pauvre bougre dont on avait lancé les effets personnels sur le toit et qui était aller les chercher.  Mais plus souvent, c'était l'efface du tableau qu'on lançait à 12 mains pour ne pas que quelqu'un soit déclaré coupable du geste quand l'enseignant s'en apercevrait.

Bêtes, je vous dis.

Mais j'avais aussi des moments glorieux. J'avais une conscience ponctuelle. Notre prof d'enseignement religieux ne devait pas avoir plus de 20 ans. Déjà, jeune et ecclésiastique, ça ne concordait pas dans nos têtes de 13-14 ans. Nous tournions sa classe dans un tel cirque que s'en est devenu triste à un certain moment. Je me rappelle très bien un important examen où les élèves trichaient si ouvertement que pour certaines questions, certains poussaient l'odieux en demandant à voix haute "C'était à quelle page de notre cahier donc ça?" pour ensuite pouvoir les chercher dans ce même cahier caché dans le (fort utilisé à toute les sauces) bas de pupitre et y trouver la réponse cherchée. Ce qui n'aidait pas, c'est que notre jeune prof nous répondait et nous donnait la page.

Dans un cours en particulier, la marmite a tout simplement sauté. Tout le monde s'est passé le mot pour déchirer son cahier d'enseignement religieux, dont le prof nous avait dit que nous n'en aurions plus besoin, et à une heure précise pendant le cours, il fallait non seulement laisser tomber nos bibles tous en même temps par terre, créant un bruit sourd saisissant mais aussi lancer dans les aires nos cahiers déchiquetés sans prévenir, J'avais participé à la première étape, celle de la bible, mais pas la seconde. Trouvant l'idée conne. Et si conne, elle fût, les gens ont fini par se lancer les cahiers par la tête et le prof a tant perdu le contrôle qu'il a fui la classe, a pleuré dans le corridor et a demandé à l'aide au directeur.

Moi j'étais resté extrêmement sage, comme un joueur de hockey regardant les autres se battre dans un bagarre générale avec dédain.

Je revois le directeur venir faire son discours de paix à des oreilles sourdes et les néons suspendus qui pendaient comme une balançoire avec un restant de cahier d'enseignement religieux suspendu entre deux pages dessus. J'avais ça dans mon champ de vision en regardant le directeur et celui-ci n'avait que moi dans son champs de vision car j'étais généralement au coeur de ces conneries, mais pas cette fois là.

J'avais pitié de ce prof en pleurs.

Je voulais baisser le feu de la marmite. Mais elle avait explosé quand même.

Je pourrais vous entretenir sur facilement 30 jours simplement de cet explosif secondaire II ou tout mon monde a changé.

Mais bon, on s'en garde pour une autre fois.

Leur laboratoire a été un violent échec. Tout le monde voulait être dans notre classe, trouvant leur classe drabe.

Si je vous en parle c'est parce que dans le temps des fêtes, ma soeur a réalisé qu'un de ses voisins était de cette classe avec moi à l'époque et a fait le lien d'une Jones à un autre.

Je ne l'aurait pas reconnu.

Il s'est bien entendu rappelé de ce feu peu futé de ma part.

J'espère un jour être autre chose que cet incendiaire du secondaire pour les gens du 418...

Mais j'ai ce que je mérite.
Je l'ai cherché.



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