lundi 14 mars 2016

Condo

Je crois vous avoir déjà tout dit ce qui suivra.
Je suis en mode "repeat".

Je sais que j'offusquerai tous ceux qui rêvent d'avoir autre chose qu'un apart, mais je n'ai jamais rêvé d'avoir une maison.

Je ne tiens pas à faire l'arrogant qui se plaint le ventre plein. Je ne me plaindrai même pas. Je ne ferai que parler en toute franchise.

Plus jeune, "être grand" pour moi ça voulait dire habiter au "Samuel -Hollande", une grande tour de condo située tout juste à côté de l'école secondaire et primaire que je fréquentais.  Je me voyais totalement habiter un grand condo en hauteur, avec vue sur ma ville, une aire ouverte, où d'un coup d'oeil on pourrait saisir l'essentiel du décor intérieur que l'on aurait voulu partager avec de la visite et avec une ou deux chambres. De toute manière, un chez soi je ne voyais ça que comme un passage occasionnel dans le flux d'une journée. Une place pour faire dodo et faire le vide temporairement.

J'imaginais quelque chose de moderne, avec du linox. Quitte à ce qu'on trouve ça froid et démodé dans 5 ou 6 ans. Peu importe. Ma vision de mon logis du futur avait toujours été précisément un condo. Comme chez mon ami Mailhot qui avait une vue formidable sur les Plaines d'Abraham, duquel j'étais aussi voisin, mais dans une maison. Celle de mes parents.

Je n'ai jamais accordé une seule minute de mes pensées à la "maison de mes rêves". Non, j'avais même vue ma cuisine de rêve dans le film The Joy Luck Club, c'était la cuisine du personnage incarnée par l'actrice Lauren Tom.

Mais voilà, ma ville n'est plus devenue ma ville.
J'ai quitté un endroit où je couchais le soleil et me levais avec pour une où le soleil se fait que se coucher.

Quand, en 2002 (2003?), l'amoureuse et moi on a choisi de quitter Montréal-ma-bien-aimée et d'investir dans une maison en banlieue, mes critères étaient deux petites choses très très simples:
-Le plus neuf possible, car je ne suis pas du tout un homme qui se plait à travailler de ses mains autrement que sur une guitare ou un clavier et à 5 minutes de "pas en banlieue", car vivre hors du pouls de la ville, c'est toujours mourir un peu. (confirmé après plus de 10 ans dans le 450)

Je ne prend absolument AUCUN plaisir à visser, driller, frapper du marteau, jouer de la scie, corder mes clous et mes screws, organiser un coffre à outil (inexistant, enfin oui j'en ai un mais on me l'a donné et j'y ai mis des cassettes de musique). Pour moi travailler une piscine pour des gens qu'il faille convaincre de se baigner, c'est du temps affreusement perdu. Travailler sur le terrain est toujours un mal nécessaire qu'il faille décompter et je ne suis jamais satisfait de ce que j'ai fait, même quand on me dit que c'est bien fait, je suis simplement content que ce soit terminé et espère qu'on ne me le demandera plus jamais.

Je n'ai tout simplement pas ça dans les tripes et je ne trip tout simplement pas. Dans ma peau, il y a un gars de condo.

Quand mes parents ont fait le saut, ils m'avaient dit que si ils avaient su qu'ils aimeraient cela à ce point, ils auraient emménagé en condo 10 ans avant. Ça m'a confirmé dans mes envies.
Moi, je sais.
Depuis toujours.
Je suis un gars de condo.
Je m'en rend davantage compte quand nous allons à notre condo du nord, un Condotel, J'y suis fabuleusement bien. En toute saison. j'y habiterais à l'année. Et j'adore la vie d'hôtel.

N'est-ce pas le contraire que d'avoir un terrain?

Anyway, long préambule pour vous dire que j'était nettement disposé, avant même de connaître l'intrigue, à aimer le roman High Rise de J.G. Ballard.

Le roman d'anticipation de 1975 parle d'un très moderne condominium de luxe où les gens y habitent presque coupé de la société. Ils y ont leur surpermarché, une école, des piscines, et les appartements sont divisés en ceux qui sont de la basses classe, ceux de la classe moyenne et ceux de la haute classe. Ces termes sont utilisés au premier degré, car ceux qui habitent plus haut ont des appartements plus luxueux et plus on descend, moins on est gâté. Bien assez vite, on vit séquestré, sans besoin réel de sortir de ce luxueux gratte-ciel. Les différents étages commencent à se détester et à s'attaquer, des problèmes mineurs deviennent une escalade d'acrimonie et les étages s'attaquent entre eux.
Même si les cadavres s'empilent, personne ne pense demander de l'aide ou même sortir à l'extérieur. L'état d'esprit est paranoïaque et hystérique. Le gratte-ciel implose.

C'est une lutte de pouvoir encore très actuelle et un sujet encore fort populaire, comme Lost, The Walking Dead, Unité 9 ou Under The Dome peuvent encore en témoigner de nos jours. Dans chaque cas, nouveaux territoires, lutte de pouvoirs, multiples leaders, nouvelle échelle de valeurs.
Ballard a toujours été nettement en avance sur son époque.

En 1975, j'avais 3 ans. Ma soeur Greenjelly naissait à l'automne. Mon autre soeur Janiper Juniper avait 2 ans. Mes parents avaient respectivement 28 (lui) et 27 ans (elle). (Ils avaient trois enfants à l'âge où j'ai eu mon premier!)  Dans le livre de Ballard, notre famille aurait facilement pu être des personnages.

C'est un livre que j'ai tant aimé que j'en ai fait une adaptation cinématographique. un traitement scénaristique, qui dort dans mes tiroirs. Pendant plus de 30 ans, le producteur Jeremy Thomas en avait les droits. Il a d'abord voulu en faire un film en 1978 avec Nicolas Roeg à la réalisation. Mais le projet ne s'est jamais concrétisé. Ils ont fait un autre film ensemble à la place. Le projet d'une nouvelle adaptation était en cours avec le cinéaste canadien Vincenzo Natali, mais au final, c'est le réalisateur Ben Wheatley qui a tourné une adaptation signée Amy Jump. Toujours avec Thomas à la production.

Le film sera lancé dans 4 jours. La bande annonce me donne envie de non seulement voir le film, mais (à nouveau) de le posséder.

L'esthétique des années 70 s'y trouve. les sons aussi. Le casting me semble formidable et on dit beaucoup beaucoup de bien ET du réalisateur ET de sa scénariste, Amy Jump. Et l'affiche est fameuse.

J'ai fait le coup à l'aveugle trois fois et j'ai une moyenne de 1000.

J'ai acheté les dvds de
La Vie d'Adèle
Inside Llewyn Davis
et
Tu Dors, Nicole
avec une idée très précise de ce que je pensais voir, trouver et sentir, et les trois fois les attentes ont été largement dépassées. Avec le seul feeling de la bande annonce et une certaine connaissance des auteurs.

Voilà trois films que j'adore et qui m'habitent entièrement.

High Rise, le roman, m'habite aussi pleinement, je l'ai lu et relu, et relu. Ne serais-ce que pour bien l'adapter moi-même.

J'ai repris la lecture cette semaine.

Question de me mettre dans le bain.

Dans le sous-sol de ma maison de banlieue.

Avant, un jour, qu'on habite notre condo en ville.

Pleins de gens barjos.

J'ai hâte "d'être grand".





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