dimanche 13 mars 2016

I'm Not There

I'm Not Here titre une fraction de seconde le film de Todd Haynes en ouverture.

C'est vrai. Bob Dylan n'y sera pas complètement. On ne prononcera même jamais son nom. On entendra sa musique toutefois. Beaucoup de sa splendide musique. Et on peut y lire une large partie de sa vie.

Tel que rêvée par le brillant Todd Haynes. Inspiré de la vie et l'oeuvre de Mr.Zimmerman.

Bob Dylan est tel un poisson entre nos mains. Insaisissable, toujours en voie de se secouer et de retourner à l'eau. C'est probablement ce qui m'a tout de suite plu chez lui. Tout comme Bowie, Dylan, malgré quelques inflexions douteuses dans le christianisme, a toujours voulu faire strictement ce qui lui plaît. Et surtout ne répondre de rien à personne.

Pour le fan de Bob Dylan, le film de 2007 est un véritable bijou. Inutile de vous dire que je l'ai acheté, vu et revu et revu encore. Car les bons films, comme les bons livres, comme les bons disques sont revisitables.

Et Bob est insaisissable et que tenter de saisir l'insaisissable est toujours agréable.
This is why he's not there.

La fantaisie de Haynes suivait une autre fantaisie de sa part appelée Velvet Goldmine. qui elle, trafiquait la vie de David Bowie après que celui-ci lui eût refusé les droits sur ses chansons et sur sa vie.  Étant, moi aussi, fan fini et de Bowie et de Dylan, il était donc naturel que je tombe aussi sous le charme de Haynes.

Mais ça ne s'arrêterait pas là. Haynes adore Fellini et Godard des années 60, moi de même. Et dans I'm Not There. on rend hommage à l'esthétique de 8 1/2, Masculin/Feminin et les films westerns de Sam Pekinpah, (pour le segment de Richard Gere) avec brio et talent. Le film est un enfant du cinéma d'avant-garde d'une époque que je n'ai pas connue mais dont j'ai adoré les réalisations. Ce qui me plait aussi énormément avec I'm Not There, c'est que Haynes y a glissé plusieurs référent qui eux, sont de mon époque. Kim Gordon à l'image et Sonic Youth au son. Stephen Malkmus de Pavement qui fait la voix de Cate Blanchett et Jim James de My Morning Jacket & Calexico au son et à l'image, Charlotte Gainsbourg à l'image et sur la bande sonore. En faisant le portrait d'une icône des baby-boomers, on fait jouer d'autres de mes héros à moi, plus contemporain.

De plus, le film a été entièrement tourné à Chambly, à Montréal. et au Québec. Gauthier, Lafortune, Fortin, La Croix, Marcoux, Laflamme, Robitaille, Charest, Jutras, Chartrand, Rivest, St-Louis (en John Lennon), Vitanza, (en Paul McCartney)Lebeau (en George Harrison) , Déry (en Ringo Starr) et Emmanuel Schwartz sont tous des noms au générique.

Ce que je reprochais à Brooklyn récemment est ici une qualité. On ne reconnaît jamais Montréal (ou Chambly,à moins d'y rester) et on croit à Newport, Malibu, New York ou Londres.

Les références sont multiples et innombrables. Chaque visionnement ramène de nouveaux détails. Comme une référence à Moondog, un  poète clochard aveugle rôdant autour de Dylan à ses débuts au Café Wha?, que l'on aperçoit en ouverture avec son habituel costume de viking. Les masques dans le village de Billy The Kid qui font référence au film de Dylan Masked & Anonymous ainsi que le maquillage de Jim James qui rappelle celui de Dylan dans Renaldo & Clara.

Le Dylanologue en Todd Haynes (et Oren Moverman au scénario) a brillamment intégré la tarentule de son unique roman, et à peu près tous les costumes portés par le maigrichon juif frisé du Minnesota. La plupart des dialogues du segment de Jude Quinn (incarné par une toujours parfaite Cate Blanchett) et d'Arthur Rimbaud (incarné par Ben Whishaw) sont tirés de conférences de presse ou d'entrevues accordés par Dylan au travers des années. Une entrevue avec Playboy en 1966, une autre avec Nora Ephron et Susan Edmison en 1965. Des mots soudainement issus de la bio de Robert Shelton "No Direction Home".

No direction home. Parce que certains bateaux n'ont pas besoin de port.
a complete unknown.
Like a rollin' Jones...

Dylan, fractionné en 6. ne semble plus un individu autant qu'un humanoïde soufflant dans son harmonica dans la mytholohie de l'Americana. Son plus grand mérite à l'égard de ce film est d'avoir laissé Todd Haynes jouer avec le mythe. J'en suis toujours très bouleversé sur la plan final nous montrant le vrai Dylan, nageant dans les notes de son harmonica, guidé par l'instinct.

Bob est fameux.
Todd aussi.

Ce film me fait aimer à nouveau le cinéma néo-réaliste et avant-gardiste des années 60, la narration baroque et surréaliste, Bob Dylan, un cinéaste hors pair et des acteurs magiques

"Dormir, c'est pour les rêveurs" dit Jude Quinn/Bob Dylan/Cate Blanchett à un certain moment.
Peut être aussi péjoratif qu'intéressant.

Le film est riche en symbole, en images et en générosité pour le fan de Zimmerman. C'est à la fois un festival pour l'oeil, l'oreille et tous les sens.

C'est un film formidable que je réécoute avec un véritable bonheur.

Parce que j'ai Bob Dylan, comme j'ai aussi Bowie, gravé dans le coeur.

Dylan vient de lancer il y a une semaine un album, Fallen Angels, qui sera accompagné, pour l'été prochain, d'une tournée.

Il s'agit de son 37ème album studio.
Le bougre a 74 ans.

Les anges déchus sont extraordinaires.

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