mercredi 25 mai 2016

Complaisance

J'ai vu trois films de Xavier Dolan sur six.

Le premier je l'ai trouvé surfait. Trop surjoué, trop surréalisé. Mais je l'ai admiré. Parce que le kid avait 20 ans. Il avait refilé son scénario plusieurs fois aux multiples institutions qui aident au financement de films par chez nous, et ils avaient tous refusé son script. Têtu, il l'avait tourné quand même. Et ce n'est que très tard, dans le processus de tournage, quand la rumeur et les accolades se sont fait sentir que les institutions qui avaient dit non, ont lâchement retourné leur veste et voulu coller leur nom sur sa première production.

J'ai admiré le fuck you punk de Dolan aux mamelles du cinéma Québécois et Canadien. J'ai aimé mépriser les putes de la SODEC et de la SOCAN qui acceptent et refusent les idées, monopolitiques qualificateurs du goût ultime Québécois et Canadien.

Le film en soi? Je vous l'ai dit: trouvé plus ou moins réussi. Intense. Adolescent. visuellement prétentieux. Réalisé par un gars de 20 ans. Potentiel brillant, oui. Mais très certainement pas parfait. Et ça même Dolan le savait.

Je préfère un film prétentieux qui vise mal qu'un film timide où on a pensé qu'à viser juste.

Un an plus tard, j'aimais beaucoup plus son second film. Que j'allais voir en salle. Tout seul en après-midi. Dans une salle contenant trois pelés et deux tondus au Centre-Ville. J'aimais le croisement entre Jules & Jim et le cinéma de Wong Kar-Wai. C'était aussi son film (que j'ai vu) le plus drôle. Dolan nous amenait ailleurs, mais pas tant que ça non plus. On y voyait plus de poésie. Visuelle surtout. Des jeux de regards. Subtils. Des choses moins présentes dans le premier film, mais pas complètement absentes non plus. Un Xavier de 21 ans, mais qui en paraissait déjà 30 dans la maturité.

Je n'ai pas vu Laurence Anyways.  Après deux films impliquant beaucoup l'homosexualité, une réalité proche de Dolan, je n'ai pas eu envie d'explorer le transgenre et son univers. L'intensité qui semble régner dans le film et le fait que j'ai le feeling d'avoir déjà vu/lu cet arc narratif trop souvent surtout m'ont aussi éloigné du produit. Puis, le buzz autour de Xavier Dolan commençait à me tomber sur les nerfs. Il devenait un peu trop bon ton "d'avoir vu" le dernier Dolan.  C'est con, ça m'a agacé. Et ses réalités me rejoignaient de moins en moins.

Le film suivant était une adaptation d'une pièce de Michel Marc Bouchard, un auteur que j'avais déjà lu à deux reprises, mais que je trouvais déjà excessif. Et qui plonge régulièrement (exclusivement?) ses personnages dans des univers près du sien (gays) qui ne sont pas nécessairement près du mien. Je n'ai jamais eu envie de voir Tom à la Ferme. Je changerai d'idées, surement.

Puis, il a fait Mommy, que je ne voulais pas voir du tout. Parce que j'avais l'impression qu'il avait déjà fait ce film, Son premier. Qu'après avoir fait J'ai Tué ma Mère, il avait choisi de le refaire, parce qu'imparfait, mais cette fois il ferait J'ai Tué Mon Fils. Reprenant Anne Dorval dans le même rôle, avec un plan "arty" de l'instable ado qui tourne des paniers d'épicerie dans le stationnement des supermarchés, avec les multiples prix que le film remportait ici et là, tout ce que je trouvait agaçant comme buzz précédemment était multiplié par 10.

Mais ma fille danse à l'école de danse Claude Pilon. Claude, oncle d'Antoine, acteur principal du film Mommy. Et à force de voir l'affiche géante du film avec la signature d'Antoine dédicacée à l'école de danse de son oncle, j'ai fini par être gagné à l'usure. En allant me chercher un autre film à la vievliothèque, en en cherchant le titre (Ma Nuit Chez Maude) je tombais sur Mommy et choisissant aussi de le prendre, finalement.

J'y retrouverais tous les défauts du premier film. Mieux maîtrisés toutefois. Et absolument les mêmes personnages et thématiques. Inconsciemment, je me disais que je ne suivrais plus Xavier si il se répétait ainsi dans quelque chose qui me rejoignait trop peu.

Une large et lourde complaisance s'installait autour du nom et de l'univers Dolan.

Xavier est parti à Cannes avec son dernier film dans son baluchon et il a atteint le stade Céline Dion de la complaisance. deux moments du film, une adaptation fidèle d'une pièce de théâtre de Jean-Michel Lagarde, ont été lancée dans le monde et seuls les festivaliers de Cannes ont vu le reste. Plusieurs ont aimé, plusieurs autres ont détesté. Le film a gagné deux prix importants. Xavier était au coeur de tout. Il était devenu Céline. Nous étions trois jours au Lac Bruno et je m'attendais à lire à la télévision le titre : "Xavier va aux toilettes" sur un des multiples écrans ouverts de notre condôtel.

La bande annonce me fascinait autant qu'elle me rebutait. J'étais fasciné de savoir que Dolan avait réussi à séduire Léa Seydoux, Vincent Cassel, Nathalie Baye et Marion Cotillard que j'adore (je ne connais pas vraiment Uliel). Mais je trouve que dans la seule bande annonce, Seydoux et Cassels en font absolument trop et surjouent. Les silences et les regards sont souvent beaucoup plus payants que les mots.
Mais après tout on adaptait du théâtre. Épicentre du surjeu, tout juste après l'opéra dans l'excès visuel et dans la déclamation. Le look et le personnage de Nathalie Baye me rebutait tant visuellement et verbalement, et en si peu de temps écran, que j'ai été me chercher à la vievliothèque La Nuit Américaine de Truffaut.

Nathalie Baye y joue une adorable script girl. Elle avait alors 24 ans. C'était alors entre 1972 et 1973 et ce n'était que son troisième film. Son personnage est en marge des autres. Elle n'était pas adorable parce que jeune, mais adorable parce qu'en périphérie.

Vous savez quand il y a du bruit et que vous devenez brouillon dans le chaos? Que vous avez besoin de quelque chose qui vous ramène à la joie de vivre parce que vous ne vous sentez ni respirer, ni vivre? Que vous étouffez?

Alors vous installez votre regard sur quelqu'un, quelque chose, qui vous plait et vous en savourez les effets.

Dans la complaisance, justement.

Je me suis rappelé la beauté de la marge. La beauté périphérique. Le plaisir de sortir de la lumière commune.

Xavier est dans le bruit. Nettement sous les projecteurs. On a même eu droit aux élucubrations philosophico-mochetons de son père Manuel Tadros à la tivision ce weekend.

Je retournerai communier à l'autel de son art quand Dolan remettra un pied dans la marge.

Vais aller me chercher Tom à La Ferme, tiens.

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