dimanche 22 janvier 2017

Voyages

Revenu d'une croisière qui nous habitent encore, il est possible que je vous en parle une ou deux fois dans les semaines qui suivent.

Ou des voyages que ce voyage m'a inspiré.

J'avais en main, pour lire en mer, trois livres.

-Stanley Kubrick's Archives. Une brique couvrant la carrière entière du maître du cinéma. Je l'ai dévorée avec la passion la plus totale et ait maintenant choisi d'investir sur le reste de sa filmographie, l'argent que j'ai reçu en cadeau à Noël. Il ne m'en manque que trois, les trois premiers longs métrages: Les plutôt mal titrés Killer's Kiss et The Killing, ainsi que Paths of Glory. Peut-être le moyen métrage Fear & Desire si il se vend.

-Unfaithful Music & Disappearing Ink. 672 pages d'Elvis Costello, plume brillante, drôle et plus humble qu'on aurait pu le croire. Celui-là, j'avoue l'avoir "emprunté" dans la splendide bibliothèque couvrant deux étages du bateau et laissée sans supervision en tout temps. Comme je le lis encore, c'est un emprunt infini...

Mais, bien que ces deux livres me restent beaucoup dans l'esprit (tant de choses me restent dans l'esprit...) c'est une toute petite plaquette qui m'a allumé en premier. Dans l'avion. À peine 89 pages. Un essai. Genre que je visite pas mal tous les jours moi-même ici ou ailleurs, sans toujours le remarquer.

Je m'étais toujours gardé une réserve par rapport à Rafaële Germain. J'ai toujours un frein par rapport aux "enfants de...". Ils ont inévitablement  un prénom à se faire devant le nom de famille des personnalités connues qu'ont été leurs parents. Je suis plus difficile avec eux et donc moins indulgent. Et comme elle se dit fière d'écrire de la chick-litterature, je me sentais éliminé de son ghetto cercle. L'expression chick-litt m'a toujours agacé. Je peux comprendre qu'un certain type de lecture plaise davantage aux femmes, mais ce que je comprends de la "chick-litt", c'est qu'il s'agit bien souvent (tout le temps?) des aventures, souvent légères, narrées d'un point de vue d'auteures et de personnages féminins. Je ne vois pas en quoi ça ne pourrait pas être tout simplement de la littérature. Et je trouve que sous le couvert de la légèreté, on se dédouane moralement en se disant que l'on se permet d'écrire, peut-être moins bien, puisque que l'on veut surtout ne pas paraître prétentieux.

Bref, Rafaële Germain, fille de George-Hébert Germain, auteur, devait en faire (inconsciemment) un peu plus que les autres pour me titiller l'intérêt. Et jusqu'à l'avion, destination Fort Lauderdale, elle n'était qu'agacement pour moi.

J'avais l'impression qu'elle ne recréait que des pyjamas partys entre filles où je n'y aurais jamais trouvé ma place. Je me suis même compromis avec un de ses proches amis en parlant d'elle avec une ombre de dédain, ce qui était con de ma part. Je respecte grandement aujourd'hui et cet ami, et Rafaële,

C'est la belle et inspirante plume de Rima Elkouri (que j'aime aussi beaucoup) qui m'a mené à Un Présent Infini, notes sur la mémoires et l'oubli, 10ème livre de la collection Documents, jolie collection d'essais, dont je me suis aperçu que j'en avais aussi le 3ème livre, Le Sel de la Terre de Samuel Archibald.

L'essai de Rafaële Germain est touchant d'humanisme et raconte, en parallèle d'observations ludiques sur la vie qui change autour de nous, les derniers jours de son père George, atteint de la dévastatrice maladie d'Alzheimer. George-Hébert Germain nous as quitté le 14 novembre 2015 à l'âge de 71 ans. Mais Rafaële croit en avoir reconnu les traits, de l'homme qui avait passé 69 ans allumé sur tout, deux ans avant. Et c'était pour se réapproprier cet homme, ce souvenir avant que la maladie ne le ravage, qu'elle a voulu mettre en mots ce qu'elle a vécu.

Ça m'a beaucoup rejoint. Ça toucherait n'importe qui. Ça parle de deuils multiples sans en utiliser le mot à outrance. Ce n'est pas lourd et douloureux, c'est même souvent très drôle. C'est aussi rempli d'une finesse que seules de longues heures auprès d'un être aimé devenu méconnaissable peuvent offrir. La solitude et le spleen font créer. C'est un livre sur la mémoire et l'oubli, mais un plus grand livre encore sur le regard. Que l'on porte sur soi, sur les gens aimés, sur la vie qui nous bouleverse et la mort qui ici, les bercera.

Son regard sur les autres, entre autre choses, m'a semblé très juste. Je pense à ce passage en particulier qui parle de la résistance générationnelle, qui nous faisait dire "I don't give a fuck", mais qui fait aujourd'hui dire, au même âge, "I so give a fuck (about myself)" à coup de selfies. Conformisme là où il pourrait y avoir distinction.

C'est aussi un essai sur la vitesse avec laquelle la technologie nous fait foncer vers le ravin demain.

Je sais déjà que je prêterai ces moins de cent pages à un ami dont le père est aussi décédé de la maladie d'Alzheimer.

C'est un très très beau livre. Livré sans prétentions.

C'est de la très belle littérature.

En costume d'essai.

Réussie.

Merci Raf. Célébrée (parce que née) le jour où mon propre père nous as aussi quitté de manière prématurée.

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