mercredi 15 mars 2017

Exploration de La Venus d'Amérique

Cette chronique s'est écrite dans ma tête à -27 samedi soir, dehors, pendant un spectacle de l'excellente Lisa Leblanc au centre ville de ma ville chérie et a failli s'appeller du nom de son dernier disque.

Why you wanna leave, runaway Queen?

Mais elle traînait dans ma tête depuis une semaine. Depuis le jour de la femme. Ce jour-là, des chroniqueuses de Montréal abandonnaient leur poste, vaincues par les trolls. Ça a fait un peu de bruit local. Ça n'en méritait pas tant, à mon avis. ça ravissait les agresseurs. On a fait de grands plats du fait que les chroniqueuses étaient, justement des femmes, et je ne voulais pas m'inscrire en faux ou écorcher des femmes qui ont une voix, le jour de la femme.

Je suis allé explorer les écrits de Judith Lussier et de Geneviève Pettersen, deux des chroniqueuses qui ont lâché leurs chroniques. Leurs écrits sont critiquables. Le chroniqueur appelle le débat. Et si il ne le supporte pas, il n'a pas sa place dans la cuisine des idées. Lussier et Pettersen n'ont pas la force mentale des Durocher, Ravary, Bombardier, Elkouri du métier. Et ces dames savent très bien aussi ce qu'elles encaissent comme commentaires abrutis.
Elles ont la carapace dure. Ce type de choses ne cessera pas de sitôt.

La décision de Lussier et Pettersen de quitter le highway était, selon moi, la bonne. Pour elles. Voilà deux femmes qui n'ont pas été en mesure de bien négocier avec ceux qui versaient dans la connerie et tout ça. C'était pas complètement une nouvelle en soi. Les modérateurs ont été inventés pour gérer la connerie. Mais j'ai pas voulu vous écrire ça le jour de la femme ou dans les jours qui ont suivi.

Après avoir lu Lussier et Pettersen, j'ai voulu exploré le parcours mental de certaines femmes de leur âge. J'ai eu envie d'y plonger. Dans l'univers des femmes. J'ai essayé de viser leur âge. J'ai pris à la Vievliothèque la série télé Girls de Lena Duhnam. Je n'avais jamais osé visionner cette série. Intimidé, je crois. Justement par les commentaires que j'avais lu sur le contenu. Des commentaires qui passaient du dégoût à l'horreur et à l'insulte.  Des commentaires d'une violence inouïe. Justement. Ça me semblait fort à propos.

Je n'en ai vu que la première saison et un peu de la seconde, mais de ce que j'ai vu, la série est formidable.

Au premier épisode, je sentais que je n'aimerais pas. D'un aveu clair, Lena fait du Sex in The City, plus jeune, plus actuel, et plus réaliste. Même le personnage principal, Hannah, essaie de vivre de sa plume tout en s'habillant comme une aveugle, comme Carrie Bradshaw. Dunham nous présente, avec un ton WoodyAllenien. 4 Jeunes filles, qui ne sont pas aimables au tout premier épisode. Une qui critique ses parents de ne plus payer pour ses besoins, une autre critique son amoureux de longue date parce qu'il la respecte trop, une autre arrive de Londres et se prend pour la cuisse de Jupiter et une dernière est tout simplement névrosée, insécurisée, pénible et insupportable en tout temps (fan fini de Sex In The City, celle-là).

Ça m'a pris le second épisode afin de comprendre qu'on voulait justement montrer les fausses balles de cette jeunesse imparfaite. Et la plume de Dunham, même si ça m'a pris plus d'un épisode à ne pas entendre une seule voix/un seul personnage décliné en 5/6 autres, est très drôle. Et assez réaliste. Dès le deuxième épisode, j'explosais de rire lorsqu'Hannah rencontre son ancien copain, qui lui avoue être gay, afin de lui apprendre qu'il lui aurait probablement refilé une maladie transmise sexuellement.
Des lignes comme "I hate it when one of my friends gets assfucked in the heart!" ou "Can you massage my groin in a non sexual way?" mettent en scène une hilarité garantie. Dunham m'a conquis avec ses imperfections, ses sujets délicats et sa manière de mettre en scène, de toute sorte de manière, le mot "inapproprié". L'épisode final de la première saison offre le mariage le plus inapproprié qui soit.

Lussier et Pettersen devraient inviter l'humour dans leur profession.

Puis j'ai enchaîné avec le visionnement de Frances Ha de Noah Baumbach. Ironique. Dans le casting de la comédie de Baumbach, donc l'action se situe aussi principalement à New York, se trouvait Adam Driver et Vanessa Ray, tous deux également de la distribution* de Girls. Le film, co-scénarisé par son actrice (et amoureuse à la ville), Greta Gerwig, raconte l'histoire d'une jeune femme, apprentie danseuse abandonnée de partout, ses errances professionnelles et personnelles et ses malhabiles et multiples faux pas de danse. Sur la scène de la vie.

J'ai versé une grosse larme dès le départ, sans même avoir vu le film, en restant sur le menu du DVD, quand j'ai entendu la musique de Bowie qui nous faisait patienter. Plus loin, Baumbach fera un clin d'oeil à Leos Carax pour faire le lien. J'en verserais une autre en fin de film dans un simple échange de regards entre deux amies (3:09). Le personnage de Gerwig est très drôle, parce qu'extraordinairement gauche. Tout lui échappe, même lorsqu'on croit qu'elle tient quelque chose. J'ai reversé dans la nostalgie en ayant la forte impression de revivre la dynamique de mes 15 ans. De plus Gerwig a complètement les traits physiques (et le personnage un peu de la personnalité) d'un amour personnel de l'époque. Mais j'ai encore vu une femme libre d'Amérique. Ce qui fait le charme absolu des femmes d'ici. Et qui me fait comprendre complètement l'attrait des jeunes Françaises qui surpeuplent actuellement le Plateau Mont-Royal. Ça ne leur coûte non seulement pas moins cher de vivre ici. Elles sont respectées et libres!

Dans ce monde réglé au quart de tour, axé sur la production. l'efficacité rapide et l'argent, Frances Ha est un beat derrière, tel un batteur de jazz désorganisé, dont le style échevelé se confond dans la musique.


Frances Halladay, dans à peu près tout ce qu'elle fait et dit est, elle aussi, parfaitement inappropriée.

Aussi inappropriée que la vie peut l'être très souvent.

Ce que Lussier et Pettersen ont mal digéré.

Elles n'avaient aucune raison d'accepter les horreurs qui ont été dites sur elles.

Mais elles auraient dû avoir les armes pour les revirer comme des crêpes.

Cette cuisine n'avait plus l'odeur souhaitée par ses auteures.

"I used to love to watch the ocean, now I don't ever want to see it again" dit-on dans They Shoot Horses Don't They? d'Horace McCoy. Un livre et un film où les abandons sont impardonnés.

L'adversité est la forge dans laquelle se trempe le coeur des Hommes.
C'est pourtant Pettersen qui l'avait cité.

* Et Dean & Britta, 2 héros personnel!

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