jeudi 8 juin 2017

The Handmaid's Tale: L'Arbre Cachant la Forêt

"I was asleep before, that's how it happened"

Parfois, les petites horreurs que nous puissions imaginer cachent  les grosses que nous ne comprendrons pas tout de suite. Dans la série The Handmaid's Tale sur Bravo, il y a un de ces moments où notre personnage principa se fait dire pourquoi le chandelier de sa chambre a été déplacé. Une autre femme avant elle, une femme utilisée comme procréatrice par son riche maître, s'en est servi pour se pendre.

C'est une scène toute simple, soulignée par une peur étouffée dans le regard où rien n'est montré. Où tout y est suggéré. C'est une petite horreur dans le spectre des grandes horreurs. Ce moment décrit assez bien la brutale réalité de Gilead, théocratie patriarcale d'Amérique, pensée et écrite par Margaret Atwood en 1985, maintenant adaptée en épeurante série télé sur Bravo.

Dans le livre comme dans la série, Offred est une servante. L'une des rares femmes fertile, forcée d'avoir des liaisons sexuelles avec des hommes d'influence puissants et riches, et de porter leurs enfants à terme. On nous parle pas d'un monde égalitaire, on nous montre un univers où Hommes et Femmes sont confinés dans des rôles bien précis.

Bien que des lecteurs du livre d'Atwood seraient justifiés de douter d'une adaptation d'un livre qui avait été si bon à l'époque, il ne fait aucun doute que le livre ET la série télé sont deux chef-d'oeuvres de leur propre genre. Le livre a été écrit il y a 30 ans par Atwood à son retour de voyage en Allemagne de l'Ouest et derrière le rideau de fer. Elle revenait d'un régime austère et l'a bien établi dans son livre. Lire le livre de nos jours, on peut y voir un certain âgisme entre l'Europe austère de 1985 et le monde de 2017.

Mais nous avons, de nos jours, bel et bien notre propre Gilead.
La science-fiction d'Atwood n'a peut-être de science-fiction que la science.
Et pas mal moins, la fiction.

Il y a une brutalité toute Trumpienne à voir Elizabeth Moss se faire violer en silence, par un homme dont la femme infertile tient les bras de la servante. C'est une série très très dure. On y voit des corps de gays suspendus aux murs, de catholiques, de travailleurs dans les cliniques d'avortements, tous châtiés pour leur direction de vie à l'encontre de la théocratie. On torture les yeux des femmes de manière atroce, on leur coupe le clitoris pour les punir. On nous montre un futur auquel nous sommes en parti arrivés.

 Les flashbacks de la série télé nous montre une Amérique qui serait la nôtre de nos jours. Offred (alors June dans le passé) est escortée hors de son bureau quand les femmes n'ont plus le droit d'avoir un salaire. Son guichet automatique le lui confirme. Ces oppressions sont moindres par rapport à tout ce qu'elle aura a endurer sexuellement par la suite. Nous travaillons, nous avons accès à de l'argent. Petites horreurs, cachant la violence des plus grosses.

Margaret Atwood a elle même trouvé que la série était trop brutale pour ses yeux.

La fameuse écrivaine de 77 ans qui a passé la majeure partie de son enfance entre les forêts du Nord du Québec, Sault Ste-Marie et Toronto a construit son univers dystopien en s'inspirant du traitement des femmes allemandes, dont elle apprenait l'histoire, pendant le régime nazi. Femmes largement encouragées à recréer la race aryenne le plus souvent possible. Les livres brûlés en Chine aussi l'ont beaucoup inspirée. Les codes vestimentaires et l'iconographie religieuse de l'Allemagne de l'Est l'ont également beaucoup influencée.

Le succès actuel de la série coïncide avec l'arrivée d'un président rétrograde et misogyne aux États-Unis. Depuis le début de la série, des femmes ont protesté publiquement en silence dans des lieux publics, comme sur cette photo dans une cour de justice du Texas, afin de dénoncer l'inégalité entre les hommes et les femmes d'Amérique, habillées comme les personnages victimisés de la série.

Soyons honnêtes, les inégalités hommes femmes existent depuis toujours. Le livre d'Atwood n'a pas de bon moment pour être en communion avec son époque. Il l'est depuis toujours. Nous sommes tout simplement chanceux, ici, de nous contenter d'être simplement troublés par les scènes fictives, alors que certains pays pratiquent l'ablation du capuchon clitoridien aux très jeunes filles, la mutilation génitale, tandis que d'autre vivent l'oppression sociale en tout temps. Maintenant.

Ce futur, pour ses pauvres femmes, c'est maintenant.

Un navrant président au pouvoir aux États-Unis ou non.

L'inégalité envers les Femmes est bien réelle.
Loin de la fiction qui nous donne des frissons.

Il s'agit d'une petite horreur en cachant une très grosse.

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