mardi 26 décembre 2017

Ballerine

J'adore l'hiver. Je dirais même que c'était mon tout premier amour. Avant les filles. Le hockey, le ski, Noël, ma fête, le carnaval, le super bowl, l'idée de se réchauffer auprès d'un feu, les joues rosées. Avec le temps, la même chose accompagné d'une belle fille. Embrasser cette belle fille sous une flopée de flocons riches en pointes diamantées.

Cette belle fille, devenait mon amoureuse, 25 ans plus tôt, le 21 décembre dernier. Je trompais mon amour indéfectible de l'hiver par un amour indéfectible pour Twingling Finnling de la rue du Plum Pudding.

L'hiver de cette année n'avait pas une heure que je tombais au combat.

Je le sentais. C'était notre 25ème anniversaire de couple et rien ne se passait comme je le souhaitais. C'était ma dernière journée de travail et je n'en avais pas envie. J'aurais voulu célébrer nos noces de...de...c'est quoi 25 ans? noces d'argent? mais je quittais la maison vers 5h20 le matin, sans voir personne. Arrivé au boulot. mon camion était le seul qu'on avait pas chargé la veille. Non seulement il n'était pas chargé pour ma journée de livraison, il était aussi plein de cochonneries de la veille qu'on prendrait quelques 2 heures à vider. Pour le remplir de mon stock du jour à livrer, après. Sans câble de GPS, qui était resté dans un autre camion, déjà parti. Je quitterais l'entrepôt le dernier, avec 3 heures de retard, et 35 adresses à livrer, donc 6-7 heures de course. M'obligeant à finir vers 17h00. Ma dernière journée avant le congé des fêtes. J'étais d'une humeur fragile.

Quand j'ai eu vent d'un cadeau que mes beaux-parents, séparés, mais unis dans une carte rendant hommage à notre union, j'ai pleuré comme un bébé au volant. Tant de gentillesse de la part d'un couple parfumé d'une certaine acrimonie.

Puis, vers 12h30, je contourne mon camion, du côté conducteur, de l'avant à l'arrière, et, voulant faire vite car une voiture allait passer à mes côtés, j'accélère le pas, dans la rue glacée de Pointe-Claire, et glisse gauchement, m'affalant de tout mon poids au sol. La chute ne m'a pas fait mal ailleurs qu'à la cheville. En tombant, un violent "crack!" s'est fait entendre de ma celle-ci sur la gauche. Une cheville qui a semblé plier dans le mauvais sens.

"CRACK!"

Quel son effroyable et quelle douleur intense. J'ai gémi. La voiture a bien vu ma chute. Les passagers sont vite sortis et m'ont imploré de ne plus continuer à travailler. Ils ont été d'une grand attention à mon égard. Je me concentrais simplement sur la douleur. Me souviens à peine de leur visage. Ai complété ma besogne sur un seul pied, montant, descendant du camion sur un seul, aussi. Crack calisse. crack le trekker qui s'en va en randonnée dans la jungle du Costa Rica. Calisse.

Après plusieurs autres stops, je n'en pouvais plus. Si ce crack était une fêlure, je l'aggravais.

Mon fils, étudiant pour devenir ambulancier, était trop content de pouvoir me guider par téléphone. L'amoureuse était en panic mode. Au travail, on m'a grondé d'avoir continué à travailler sur une jambe (J'ai quand même abandonné 13 adresses...). On a rempli des papiers de CSST. Mais bon...je quittais le lendemain et ne revenait...non...c'est pas vrai, on me faisait rentrer le 27...

"Tu ne rentre plus le 27, you're off! soignes-toi!" m'a dit G.Pawdépôwl, dans un rare élan de générosité. et en remplissant la section "Il sera affecté à des taches cléricales". Je ne reviens plus à l'entrepôt avant le 10 janvier 2018.

Entre temps,  j'avais une cheville de la grosseur d'un pamplemousse. J'étais assez incapable de me mouvoir. J'avais fait un bandage élastique afin de souder des morceaux potentiellement brisés, ensemble le plus rapidement possible. Je mettais de la glace 20 minutes à toute les heures. Mais surtout je me forçais pour ne pas paniquer. Notre voyage de trekking au Costa Rica était-il compromis? Notre séjour dans les bains tourbillons dans le nord à partir du 22?...inadéquat?

À l'hopîtal, on m'a donné rendez-vous le lendemain matin pour des radiographies. Dans la nuit,
à partir de 2h00 AM, je ne dormais plus, ça faisant trop mal. Je n'ai pu redormir que vers 4h30, quand j'ai enlevé le bandage, trop serré. Cette fois, je ne marchais plus du tout sur le pied gauche. C'était pire. La panique devenait vraie. Je n'avais dormi que quelques 4 heures comme il faut.

Mais peu de temps avant les radios, avec une botte d'hiver en pied, tout semblait réglé. Après radiographies, bonheur, rien de brisé. Tout juste une entorse. Sévère, mais une entorse quand même. 3-4 jours de repos presque complet de ce pied, ou de pas très léger (22, 23, 24, 25, ok) puis reprise d'un peu de poids progressivement (26, 27, 28, ok).

EU
RE
KA

Mais cette frousse!

J'ai appris à marcher en ne mettant pratiquement aucun poids sur mon pied gauche. Comme une ballerine.

Je suis devenu, une ballerine.

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