mardi 9 janvier 2018

Le Vendeur de Montre Errant

Le 9 septembre 1949, un avion DC-3 décolle d'Air Rimouski (plus tard intégré à Quebec Airways puis, Canadian Pacific Airways) en provenance de Montréal, puis décolle de son escale à l'aéroport de Sainte-Foy avec 5 minutes de retard, soit vers 10h20 du matin. À Bord: Rita Morel.

Rita est mariée à un "bijoutier", Albert J.Guay. Le couple a une fille. Albert est un coureur de jupons. Il flirte avec une femme plus âgée qui est escorte à temps partielle. Il tombe aussi en amour avec une jeune serveuse. Il aime les femmes en général, est beau parleur de son métier de vendeur de montre et de bijoux itinérant et profite de ses déplacements pour faire des rencontres plus intimes avec certaines. Rita n'est pas conne, elle le découvre et ira aviser la serveuse que son mari n'est pas libre. L'escorte se pousse, la serveuse fuit aussi la relation, Albert se retrouve gros jean comme devant et l'homme qui avait bien des femmes à sa disposition, n'en a plus. Ça le courrouce grandement. Le mariage ne tient plus à grand chose, mais en 1949, on ne divorce pas facilement dans le Québec Catholique. Il est interdit par l'église et exige un mandant spécial d'Ottawa coûtant une fortune afin de dissuader quiconque.

Rita, en prenant l'avion, doit aller porter, pour son mari présumément, une statuette à Baie-Comeau.

Albert J.Guay n'est pas plus bijoutier-horloger qu'il n'est fidèle. Il est principalement colporteur vendeur de montres. Quand l'avion qui contenait sa femme explose, à 10h45, il est sur la terrasse Dufferin en train de regarder vers le ciel anticipant le passage de l'avion au dessus du St-Laurent.

Le paquet de Rita Morel contenait probablement une bombe et non une statuette. Guay avait approché quelqu'un pour empoisonner sa femme, mais celui-ci avait refusé.

Le 7 mai précédent, un avion de la Philipine Air Lines avait lui aussi explosé au-dessus près de Manille, tuant 13 personnes, avant de plonger dans l'eau où il était extrêmement difficile de mener enquête par la suite puisqu'il fallait repêcher tous les morceaux du puzzle. On avait toutefois réussit à repêcher les indices et à coincer deux ex-détenus, quelques années plus tard. Guay voulait les débris dans l'eau.

En septembre 1949, Guay est inspiré par la chose. Il approchera le frère d'une amie, Généreux de son prénom, habile bricoleur et lui demande de concocter une bombe à partir de dynamite, mécanisme d'horlogerie et piles de lampe de poche. Il s'est trouvé un terrain à déboiser dans le coin de Baie Comeau et veut faire exploser ici et là pour défricher est ce qu'il raconte à Généreux. Quand tout sera prêt, il place dans un colis et empruntera la soeur de Généreux, Marguerite, pour lui faire livrer à Rita. Le paquet est identifié comme étant "fragile" envoyé de la part de Delphis Bouchard à Alfred Plouffe. C'est officiellement une statuette pour les deux femmes.
Rita réussit, avant sa mort, à incriminer, sans le vouloir Albert. Ils se chicanent violemment, ce qui retarde le décollage d'un bon 5 minutes. Guay, qui avait calculé que l'avion exploserait au dessus de l'eau, verra l'avion exploser plus près de la terre ferme. À Sault-au-Cochons, près de Cap Tourmente.  Et les morceaux seront faciles à trouver. Très vite, les enquêteurs comprennent que de la dynamite dans la soute à bagages est responsable de l'explosion qui a causé 29 morts. Dont 3 Étatsuniens, des hommes d'affaires importants, ce qui donne à la chose une dimension criminelle et internationale sur-le-champs. On enquête scrupuleusement sur tous les passagers et leur entourage. On en parle partout.


Le matin du crash, Guay contractait une assurance vie sur la vie de sa femme de 10 000$ en cas de mort accidentelle. De plus, on découvre que Delphis Bouchard existe, mais habite Montréal et ne connait pas Guay ou Morel, ni Marguerite ou Généreux, pas plus que l'horlogerie et la dynamite. Finalement, il n'existe pas d'Alfred Plouffe à Baie Comeau.

Le 23 septembre, Albert J.Guay fête ses 31 ans, on l'arête pour l'interroger. Il sera accusé de meurtre, trouvé coupable, Marguerite et Généreux, aussi.

L'été suivant, de prison, Guay passe aux aveux mais ne s'incrimine pas en disant que Marguerite et Généreux ont changé son paquet. Ils étaient probablement innocents, mais savent peu se défendre.

L'affaire fait très grand bruit.

Guay est pendu à la prison de Bordeaux le 12 janvier 1952 en disant "au moins je meurs célèbre".
Généreux est pendu le 25 juillet suivant.
Marguerite le sera 9 janvier 1953, devenant la dernière femme pendue au Canada.

Aujourd'hui, il y a 65 ans.

Le 1er mai 1955, Jack Gilbert Graham s'inspire de Guay pour faire la même chose à sa mère, préparant sa valise, y insérant une bombe, qui la fera exploser, elle et 47 autres innocents, au dessus du Colorado. Il avait assuré sa mère en cas de risque aérien pour 37 000$. Il fût aussi condamné et pendu.

Roger Lemelin s'inspire directement de tout ça pour son roman: Le Crime d'Ovide Plouffe

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